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XV de France : pourquoi un tel déséquilibre en 3ème-ligne ?

La liste de Jacques Brunel interpelle pour son manque d'équilibre et de complémentarité entre les 3ème-lignes.

Clément Suman 18/10/2018 à 13h00
XV de France : Kelian Galletier a été convoqué.
XV de France : Kelian Galletier a été convoqué.

Côté ouvert contre côté fermé

Openside et blindside, comprenez côté ouvert et côté fermé : la distinction est clairement établie dans le rugby anglophone. Elle est moins vraie en France. Et pourtant : pour qu'une 3ème-ligne soit jugée complémentaire, elle a besoin d'associer des joueurs de ces deux profils pour entourer le n°8. La différence ? Un 3ème-ligne côté fermé, au rôle plus physique, sera désigné pour effectuer les tâches obscures (plaquages, notamment) ou pour fixer la défense dans un jeu à une passe. De son côté, le 3ème-ligne côté ouvert a un profil plus "moderne" et complet : il est mobile, rapide, chasse les adversaires sur le large en sortie de mêlée, se montre efficace au grattage, et est un soutien proche des 3/4 en attaque, où il lui arrive d'assurer la continuité du jeu.

Le problème, c'est donc le déséquilibre de profils entre les troisième-lignes convoqués par Brunel pour cette tournée. Louis Picamoles mis à part, ils ne seront que quatre à Marcoussis : Mathieu Babillot, Wenceslas Lauret, Kelian Galletier et Bernard Le Roux. Et tous ont ce profil de 3ème-ligne côté fermé désigné pour les tâches obscures : Le Roux a d'ailleurs été utilisé à de nombreuses reprises... en 2ème-ligne sur la scène internationale, où le jeu va beaucoup plus vite. 

Peu de courses ballons en main, peu de passes : si leur présence n'est pas scandaleuse - le problème de déséquilibre serait le même dans l'autre sens - cette liste manque cruellement de joueurs de duel chez les avants.

Le symbole d’un jeu tricolore fade ?

Parce qu’ils sont des joueurs dits de « rupture », les 3ème-lignes côté ouvert sont une véritable arme offensive, et leur rayonnement (ou pas) est un bon indicateur au moment d'analyser le jeu d'une équipe. Tranchant, disponible, il finit aussi souvent dans l'en-but. Le meilleur exemple reste Richie McCaw : loué pour sa science dans les rucks, le Kiwi - qui jouait openside flanker - a inscrit 27 essais sur la scène internationale. C'est beaucoup, même ramené à son nombre de sélections avec les Blacks (148).

Or, l'absence de joueurs de ce profil chez les Bleus peut déjà indiquer le style de nos Tricolores jusqu'à la prochaine Coupe du monde. Un jeu minimaliste, peu ambitieux ballon en main, et une grosse défense. Comme lors du dernier 6 Nations, où les Bleus ont accroché l'Irlande et réussi à battre l'Angleterre.

Parmi les principaux déçus, Kevin Gourdon figure en bonne position. Ses débuts en sélection suscitaient beaucoup d’espoirs : sa prestation face aux All Blacks, malgré la défaite, avait notamment été plébiscitée, pour un total de 50m parcourus, trois défenseurs battus, trois offloads et deux franchissements, preuve de son implication offensive. Guy Novès l'avait alors aligné d'entrée à l'aile de sa 3ème-ligne, en compagnie de Picamoles et d'Ollivon, deux autres numéros... 8. 

VIDÉO. XV de France - Kévin Gourdon impressionne face aux All BlacksTitularisé en 8 lors de la dernière tournée, le Rochelais n’évolue d’ailleurs jamais au centre de la 3ème-ligne dans son club, la faute à la présence de Victor Vito. Son absence peut clairement surprendre, tant les joueurs de son profil manquent dans la liste de Brunel.

Qui d’autre ?

Outre Gourdon, ils sont beaucoup à postuler, et à pouvoir apporter offensivement. Sekou Macalou est de ceux-là : le Parisien a longtemps été inconstant, mais son début de saison parle pour lui. Convoqué avec les Barbarians, le Lyonnais Patrick Sobela se révèle, comme son coéquipier Dylan Cretin. Champion du monde avec les U20, passé par les sélections du VII chez les jeunes, Cameron Woki est aussi de ce profil, même s'il joue peu avec l'UBB (six matchs mais seulement deux titularisations, dont une en Challenge).

Une liste à laquelle il convient d’ajouter l’excellent Anthony Jelonch, écarté sur blessure (comme Yacouba Camara) et par exemple très complémentaire de son coéquipier en club, Mathieu Babillot. Au CO, Christophe Urios peut les utiliser avec un numéro 8 perforateur comme Alex Tulou ou Ma’ama Vaipulu. Chez les Bleus, c’est Louis Picamoles qui aurait été susceptible de tenir ce rôle.

Pour le Mondial, l'un de ces joueurs pourrait s'inviter dans l'avion, où six 3ème-lignes devraient prendre place. Sauf si le sélectionneur décide d'appeler un joker au poste de 3ème-ligne centre (Marco Tauleigne ?), en cas de blessure de Picamoles durant la compétition.

stef7
stef7
Depuis quand une sélection devrait être logique? Équilibre selon BL et moustachu n'est pas à l'ordre du jour!!!! On se demande depuis quand il n'y a pas eu de logique à la fédé, il faut remonter tellement loin que je n'ai aucun souvenirs........
to7
to7
au final surtout on se prend le chou mais si c'est comme l'an dernier entre ce groupe et celui qui prendra part à la tournée, entre les blessures et les suspensions il y a aura peut être une grosse différence qui rendra toutes nos analyses caduques
Ailier-Fort
Ailier-Fort
Au final c'est exactement le même problème de choix de joueurs qu'en 2ème ligne : des joueurs physiques, mais qui manquent de mobilité, de vitesse et de technique ballon en main pour le niveau international. Des joueurs qui certes tourneront à 12 placages/matchs, mais qui n'apportent peu (voir pas offensivement) et qui sont dépassés dès que l'adversaire met un minimum de vitesse (cf l'essai du NZ zizaguant dans la défense tricolore de plots cet été). Bref des joueurs dont on dira qu'ils ont fait un bon match individuellement, mais qui au final n'apportent que peu au jeu collectif. Voir un Lambey étincelant depuis le début de saison être snobé de la sorte, alors qu'il a amené plus de danger en 20 mn et une interception lors de la Tournée d'été que la paire Maestri-Le Roux en quasiment 3 matchs est tellement décevant, mais tellement prévisible. Il s'agit du gros problème de l'équipe de Pépé pistonné et de son staff : leurs choix tactiques montrent qu'ils sont restés bloqués il y a 15 ans, et ce n'est pas avec une stratégie de 2003 que la France aura la moindre chance en 2023. Après ce n'est pas une découverte : quand le premier choix en 9 est Machenaud (que l'on aime ou pas le joueur), on a compris que le "jeu" prôné allait être allait être restrictif, "defense-first", et sans doute assez loin du plus haut-niveau international actuel.
Chronicoeur31
Chronicoeur31
superbe article, plus généralement que la 3iem ligne, ça pose question de la réelle compréhension du rugby moderne de nos élites/instances rugbystique. je vois 2 problèmes ancrés dans la mentalité française, qui rejoint d'ailleurs l'immobilisme dont parle Seyfr en dessous : Le lobbying de la polyvalence, qui est un cancer : AUCUNE nation majeure n'axe son travail et ne réalise ses squad sur la polyvalence des joueurs. Ils utilisent les joueurs pour leur qualités a leur poste. et ça marche très bien. si cette sacro-sainte idée de la polyvalence marchait, on le verrait autre part. A croire que le Français chauvin et arrogant refuse catégoriquement de faire ce qui marche au niveau international. Restant avec ses œillères et ses certitudes absurdes. le second problème, est l'absence totale de complémentarité, illustrée dans ce post par la 3iem ligne, mais qui s'étend a toutes les lignes : complémentarité des centres ou on préfère associer deux chars a boeuf (Bastareaud Doumayrou) et décaler les joueurs clés (Fickou Penaud) aux ailes et jusqu’à conseiller a Fofana d'accepter aussi de jouer a l'aile ( CF conférence, propos de Brunel). Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la bêtise d'un tel entêtement, alors que c'est précisément des joueurs aux qualités de vitesse d'évitement et d'explosivité dont on a besoin au centre du terrain (associé qui plus est a une charnière plutôt joueuse et de leur club -#automatismes). La conséquence et qu'on se prive ainsi de joueurs comme Gourdon Macalou ou Grosso qui me semble indispensables dans l'espoir/ dans l'idée d'un rugby moderne. A mon sens, tout cela démontre bien la réelle incompréhension et incompétence du staff actuel.
MARCFANXV
MARCFANXV
En fait, beaucoup de choses tiennent à l'approche que peu avoir un sélectionneur dans son mode de sélection. Si J.Brunel n'est pas l’anti-thèse de GN, il y a qqs sensibles différences...
L'idée que j'en ai est que GN articulait (du moins au début avant que la pression BL ne se fasse trop ressentir) ses sélections sur des hommes susceptibles de coller aux grands principes de Jeu tels qu'il les imaginait voire les rêvait pour rompre après l'échec PSA (Étaient-ce les bons ? Ça, c'est une autre question !). En gros la trame étant : "J'aimerais qu'on arrive à ça ! Il me faut donc des profils joueurs qui soient en capacité d'y parvenir !"
J.Brunel dans un souci de rupture (sinon, à quoi bon changer si c'est pour reprendre le mm flambeau), se positionne dans une approche sensément être plus dans le pragmatisme et choisis ses hommes avec une approche plus simple (L'autre question étant, est-ce gage de succès à terme ?).
En gros la trame étant : " Qu'est-ce que le Rugby Français produit essentiellement comme type de jeu ? Et par extension, dans un souci de repères simples quels hommes peuvent exceller en restant sur ce schéma ?"
La différence entre ces 2 types de raisonnement explique pour partie la constitution des squad respectifs...
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