Avec l’hiver, la pandémie de Covid-19 a vu son impact augmenter ces derniers mois. Une observation qui a amené la plupart des événements sportifs européens à des modifications de dernière minute. Huis-Clos, jauge et évolution générale des restrictions se multiplient. Elles mettent notamment à mal nos rêves d’un VI Nations complet avec du public pour la première fois depuis 2019. Mais au milieu de cette pandémie, le Tournoi des Six Nations semble être plus particulièrement touché que d’autres compétitions tous sports confondus. Alors, pourquoi contrairement à d’autres compétitions, notre tournoi européen inquiète et peine à conserver sa dimension populaire. Quelle leçon tirer des autres grands événements qui se sont déroulés lors des précédentes vagues épidémiques ?
Un tournoi populaire
On ne le sait pas forcément, et pourtant le Tournoi des Six Nations est la compétition sportive en stade réunissant le plus de personnes en tribune dans le monde. Avec une moyenne d’un peu plus de 70 000 personnes présentes dans les gradins à chaque rencontre. Avec un record de 72 000 spectateurs direct en 2016, il devance le championnat de Football Américain des États-Unis (NFL). En rassemblant autant de monde en un si faible nombre de rencontres, seulement 15 matchs en une édition, il aurait tout pour faire office de cluster géant. C’était notamment ce qu’il avait pu se passer dans d’autres sports avec le maintien de certaines rencontres amenant un nombre important de spectateurs en tribune.
RUGBY. COVID. L'Assemblée Nationale rejette l'amendement des jauges proportionnelles
Le fameux “match-zéro” en est un bon exemple. Cette rencontre de football avait marqué les esprits par son rôle supposé dans l’explosion de la pandémie en Italie. Ce match de Ligue des Champions opposait le club italien de Bergame, jouant à Milan pour l’occasion, à son adversaire espagnol du Valence CF le 19 février 2020. Fabiano Di Marco, pneumologue local, avait qualifié la rencontre de “bombe biologique” dans les médias. L’immunologue Francesco Le Foche, médecin et immunologue romain, avait détaillé la situation quelques semaines après la rencontre dans des propos relayés par Eurosport : “Depuis ce match, il s'est passé un peu plus d'un mois. Les dates coïncident.[...] Des milliers de personnes, à deux centimètres l'une de l'autre, encore plus proches grâce à des manifestations compréhensibles de joie à travers les cris, les embrassades... Tout cela a favorisé la réplication virale.” Le nombre de personnes dans le stade ? 44 236. Le nombre de décès causés par l’épidémie dans la région durant les semaines qui ont suivies ? 6 000, soit un record en Lombardie depuis le début de l'épidémie.
Le lieu, un enjeu important en temps épidémique
Plus proche de l’Ovalie, le Rugby Championship 2021 a largement été impacté. Cette compétition qui voit les meilleures nations australes s’affronter aux quatre coins de l’hémisphère sud avait fait couler beaucoup d’encre. Elles disputent, à notre image, leur compétition internationale annuelle en plein hiver. Un calendrier qui favorise malheureusement la transmission du virus. Deux décisions avaient alors été prises pour favoriser le maintien de la compétition.
Top 14. Stade Français. Waisea exprime sa réticence envers le vaccin : ''C'est un choix personnel''
Dans un premier temps, les instances avaient décidé que les rencontres suivant le 20 août se jouaient toutes dans le même pays. Une décision qui vise à diminuer au minimum les déplacements de joueurs. L’adaptation s’imposait à ce moment-là, la Nouvelle-Zélande avait annoncé se retirer provisoirement de la solution au vu du confinement dans le pays. Le variant delta faisait rage et un Rugby Championship sans All Black aurait largement faussé l’équité sportive de la compétition, en plus de baisser l’intérêt médiatique.
Dans un second temps, la SANZAAR a confirmé que les rencontres suivantes se dérouleront toutes dans la région du Queensland en Australie. Si l’option de réaliser la compétition en France avait été étudiée dans un premier temps, c’est bien sur le pays des Wallabies que l’instance sudiste a penché. Une réponse qui semble logique. L’Australie est un pays composé de six États et parmi ces derniers la densité de population est plus ou moins élevée. Le Queensland est le troisième en termes de population et se situe sous la moyenne nationale en ce qui concerne la densité de population. D’autant plus, les grandes villes de cet État accueillant les matchs présentaient également des avantages démographiques. En Australie, la majorité de la population est concentrée dans les grandes villes côtières au point que les différentes capitales locales concentrent en moyenne largement plus de 60% de la population. Cette démographie centralisée s’observe moins en Australie où la capitale, Brisbane, représente par exemple 48% de la population. D’autant plus, le gouvernement local aurait fortement aidé à ce que la situation avance au plus vite. Le dirigeant de Rugby Australia Andy Marinos avait indiqué dans des propos rapportés à Sky Sports que des confirmations avaient été obtenues seulement quelques jours après le début de la polémique. De la même manière, il avait indiqué que le Gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud avait été “compréhensif à l’idée de relocaliser les rencontres qui devaient se jouer à Sydney, Canberra et Newcastle” selon un média local.
RUGBY. La LNR durcit son protocole contre le COVID-19 pour les joueurs non-vaccinés !
Encore tout à prouver ?
Si les négociations sont allées à toute vitesse chez les passionnés du jeu postés de l’autre côté du globe, des mesures restent encore à prendre en Europe. Différentes idées de délocalisation semblent émerger depuis quelques jours de l’autre côté de la Manche. Le Pays-de-Galles hésiterait à jouer son tournoi en Angleterre afin d’entendre au moins quelques âmes dans les travées lors de ses prestations. Pour Sky Sports, le directeur du rugby des Exeter Chiefs, Rob Baxter, proposait de réfléchir à l’intérêt de réaliser l’intégralité du tournoi dans un seul et même pays. Il dit :
La beauté des Six Nations réside dans ce changement d'environnement, ce changement de conditions météorologiques, le fait d'aller jouer en Écosse, au Pays de Galles, en Irlande - ce sont les grands défis qui font que le Six Nations est une si grande compétition. Cela dit, nous ne pouvons pas tous rester assis ici et prétendre que le monde est dans un contexte idéal en ce moment. Cela dit, nous ne pouvons pas tous rester assis ici et prétendre que le monde est dans un contexte idéal en ce moment. Pour les organismes nationaux, leur responsabilité va au-delà du sport professionnel, elle va jusqu'à leur socle rugbystique national. Donc, si jouer le tournoi fournit un niveau de revenu que l'annulation ou l'absence de foule ne crée pas, alors nous devons envisager un autre scénario. Si le meilleur scénario est de jouer le tournoi dans un seul pays, où vous pouvez faire salle comble, vous pouvez obtenir des revenus et vous pouvez maintenir ce flux de revenus pour tous les organismes, alors il faudra se demander si ce n’est pas mieux que de l'annuler.”

Brice Dulin inscrivant l'essai décisif pour les Bleus lors du dernier Tournoi des VI Nations face au Pays-de-Galles.
Pour le dirigeant sportif des champions d’Europe 2020, le tournoi perdrait donc de sa magie à être centralisé en un seul lieu. Cependant, l’exemple du dernier Rugby Championship prouve qu’il devrait-être possible de relocaliser les rencontres afin de garder des tribunes remplies au maximum de ce qui est possible. Cependant, il faut aussi prendre en compte que contrairement à ce tournoi, aucune nation européenne ne possède les atouts structurels et économiques du Queensland. Côté joueurs, l’ouvreur gallois Dan Biggar s’exprimait sur l’idée d’un tournoi privé de son public. À travers des propos relayés par Rfi, il dit : “Vous avez vu la différence quand le public est revenu dans les stades pour la tournée d’automne. [...] Nous avons joué beaucoup de matchs sans public et si vous regardez la première poignée de ces matchs, ils ressemblent presque à des matchs d'entraînement. [...] Un tournoi sans public serait un énorme retour en arrière.”
Aucun commentaire pour le moment...