C'est une récurrence que l'on observe chez bon nombre d'équipes nationales. L'heure est à la mode des premiers centres perforateurs, où leur rôle n'a jamais été aussi prédominant. Voyez d'ailleurs la polémique qui avait lieu en Nouvelle-Zélande lorsque Ngani Laumape n'a pas joué avec les All Blacks pendant la coupe du Monde 2019, alors que sa puissance aurait été un énorme atout face à la rugueuse défense de l'Angleterre en demi-finale. On peut recenser beaucoup d'équipes compétitives ayant recours à des premiers centres solides. L'Angleterre avec Manu Tuilagi, l'Irlande avec Bundee Aki, la France avec Jonathan Danty, l'Australie avec Hunter Paisami, l'Afrique du Sud avec De Allende (celui-ci est plus lourd que Bundee Aki)... Les précurseurs en quelque sorte de cette mode étaient les Néo-Zélandais avec Ma'a Nonu. Le jeu des All Blacks s'est longtemps articulé autour de lui, et son absence à partir de 2015 a donné du fil à retordre à Steve Hansen pour composer la ligne de trois-quart.
Utilité d'un tel profil
Face à des défenses de mieux en mieux organisées et de plus en plus solides, avoir dans ses rangs un joueur capable de gagner la ligne d'avantage sur quasiment chacune de ses prises de balle est un réel atout. C'est un joueur pouvant servir de point d'appui à son attaque, de point de fixation pour monopoliser plusieurs défenseurs, et ainsi libérer des espaces. Avec ce fait avéré : l'utiliser en leurre permet à l'attaque de gagner de la vitesse et de ne pas laisser le temps à la défense de se replacer. Le laps de temps où les défenseurs se focalisent sur le premier centre donne l'espace nécessaire au reste de l'attaque d'exploiter les espaces créées. Si désormais toutes les équipes ont recours à des lancements de jeu à base de courses en leurres, la présence d'un attaquant puissant a l'avantage d'obliger la défense à y apporter plus d'intérêt et donc de mettre deux défenseurs sur le joueur, au lieu de se contenter d'y mettre un défenseur par joueur adverse.
Le manque à gagner conséquent
Qu'en est-il des équipes qui ne possèdent pas ce profil de joueur ? Malheureusement pour elles, les résultats ne sont pas très éloquents. Que ce soit l'Italie où l'absence de Federico Mori sur blessure se fait ressentir au milieu du terrain. Le Pays de Galles qui ne possède plus de profil à la Jamie Roberts, mais uniquement des centres certes dynamiques tels que Nick Tompkins ou Owen Watkin. Ou encore l'Argentine qui bien sûr garde sa spécificité et laisse la part belle dans son effectif à des joueurs explosifs, mais dont les derniers résultats sont décevants.
Ces pays gardent leur originalité, tandis que les autres nations ont muté leur attaque vers cette nouvelle stratégie. Cela rappelle les modes que l'on a connues par le passé à différents postes. Les plus emblématiques étant les demis de mêlée considérés comme des "neuvièmes avants" en Europe dans les années 2010 (Connor Murray, Mike Philipps, Jean-Marc Doussain), les ailiers puissants des années 2000 (Joe Rokocoko, Shane Horgan, Lote Tuqiri). Comme toutes les modes, celle actuelle va sans doute laisser la place à une nouvelle dans les années à venir.
Cette question des modes soulève cependant une interrogation légitime : les équipes doivent-elles composer et jouer en fonction de leurs forces, quitte à effectivement avoir des faiblesses, mais compenser en gardant leur identité de jeu ? Ou bien doivent-elles suivre à tout prix la dynamique générale quitte à perdre leur indentité ?
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