Nous y sommes. Au lendemain de ce samedi 29 novembre, Pita Ahki n’est désormais plus un joueur du Stade Toulousain. Après son ultime apparition, lors de la nette victoire des siens face au Racing 92, à Ernest-Wallon, il a eu le droit à l’hommage qu’il méritait. Le club et les supporters se sont pressés aux Sept-Deniers pour rendre hommage au centre néo-zélandais, avant son départ chez les Auckland Blues.
Arrivé en 2018 au club, Pita Ahki a joué 159 matchs sous les couleurs du Stade Toulousain. En Haute-Garonne, il a durablement marqué les esprits, au point où son nom est associé au terme de légende du club, sans que quiconque se sente offusqué. Mais alors, comment l’international tongien en est arrivé là ? D’anonyme à icône de la formation la plus titrée d’Europe et de France.
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Une arrivée confidentielle
À l’été 2018, quand Pita Ahki arrive à Toulouse, il y a tout à gagner. Sur un été, les trois centres les plus utilisés au club font leurs valises. Gaël Fickou, Florian Fritz et Yann David quittent le club. En conséquence, les Rouge et Noir engagent un volume conséquent de centres. En plus du Néo-Zélandais, Pierre Fouyssac et Théo Belan arrivent et Maxime Mermoz fait son retour en Haute-Garonne.
Sur tous ces noms, Pita Ahki est clairement le moins connu. De plus, il arrive en même temps qu’un certain Jérôme Kaino, qui attire les projecteurs sur lui. Après des années compliquées en Super Rugby et une saison à oublier au Connacht, à cause de multiples blessures, le natif d’Auckland arrive pour faire le nombre, mais il est prêt à montrer sa valeur.
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Une résilience impressionnante
Au début, les premiers mois de Pita Ahki à Toulouse sont très compliqués. En pleine reprise après une grosse blessure au genou, il ne fait pas très bonne impression sur ses apparitions automnales. Souvent remplaçant, il n’était parfois même pas dans les plans chez les pros. “Il jouait beaucoup avec les Espoirs à ce moment-là. Son début au Stade a été un peu difficile. Il ne revendiquait rien, même si je pense qu'au fond de lui, il était meurtri de ne pas jouer avec l'équipe première", rappelait Jean Bouilhou, ancien entraîneur des jeunes toulousains à cette période, pour L'Équipe.
Cependant, il faut attendre une titularisation contre l’ASM Clermont et un match nul au Michelin pour commencer à apercevoir son potentiel. Utilisé comme second centre dans un premier temps, le staff toulousain prend conscience de son possible apport en match sur cette rencontre et garde cette vision dans le coin de la tête. Quelques semaines plus tard, il enchaîne six titularisations consécutives avec le numéro 12, durant les doublons.
Des titres à gogo
Après avoir relégué Romain Ntamack, jusqu’alors utilisé comme premier centre, à l’ouverture ou sur le banc, le Néo-Zélandais accumule les rencontres sous le maillot rouge et noir. À l’occasion de ce qui se révèlera être l’une des meilleures saisons de l’histoire du club, sur le plan national, il gagne le Top 14 2018/2019. Avec une certaine surprise, pour l’époque, Ugo Mola le titularise en 12 pour la demi-finale et l’affiche au Stade de France.
Dans les années qui suivent, celui qui deviendra international tongien a eu de quoi remplir l’armoire à trophée. En 2021, il fait partie de l’équipe qui ramène le doublé Bouclier de Brennus - Champions Cup en Haute-Garonne. Ensuite, il écrit son nom dans l’histoire en s’inscrivant comme l’un des hommes fort du triplé des Rouge et Noir en championnat, avec trois sacres consécutifs en 2023, 2024 et 2025. Il y a un an et demi, il aidait les siens à accéder à la finale remportée de Champions Cup 2024.
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Pita Ahki, l’homme des grands matchs
Au-delà d’avoir fait partie d’une génération dorée du Stade Toulousain. C’est surtout son importance lors des rencontres décisives qu'il a marqué les esprits. Avec Thomas Ramos et François Cros, il fait partie des trois seuls joueurs de l’ère Ugo Mola à avoir disputé chacune des sept finales des Rouge et Noir. Plus précisément, il est la seule recrue de cette période à avoir réussi cet exploit, puisque les deux internationaux français cités précédemment, arrivés au ST à 15 ans, ont tous les deux été formés en partie au club.
Il s’est inscrit dans la durée sur cette ère aux débuts difficiles, où l’arrivée des succès a coïncidé avec l’arrivée de Pita Ahki. Résilient et régulier, il n’a jamais fait la Une des journaux pour un mauvais geste ou pour une parole déplacée. Même lorsqu’il était remplaçant, son apport a souvent été exceptionnel. Son entrée en jeu lors de la dernière finale de Top 14, avec deux grattages décisifs en prolongations, en est un merveilleux exemple.
"Le meilleur centre que les All Blacks n’ont pas eu"
Enfin, si Pita Ahki est aussi apprécié et plébiscité en Haute-Garonne, c’est aussi et sûrement, car les supporters et le club de la Ville rose ont eu l’impression d’être tombés sur un joyau brut. Ce dernier s’est poli sur le tard, à 26 ans, et a brillé plus qu’aucun joaillier du rugby n’aurait pu l’imaginer. Désormais, son nom est inscrit à jamais dans le vestiaire toulousain, sur les tablettes du fameux “Club des 100”, où des grands noms figurent.
Au Sept-Deniers, son activité durant les matchs, sa générosité à l’entraînement et son humilité perpétuelle ont impressionné tout le monde. Sa présence a apporté beaucoup, comme en ont attesté les mots de chacun et les larmes de David Ainu'u. Pour sa dernière, certains anciens coéquipiers ont même fait le déplacement, comme Richie Arnold venu pour célébrer le départ de la légende.
Le Stade Toulousain lui a rendu un hommage à la hauteur, avec tifo, animations d’avant et d’après-match et un stade Ernest-Wallon floqué avec son nom et son numéro 12. Après la rencontre, Ugo Mola a préféré faire le discours, pour épargner son joueur le plus timide d’une prise de parole : “Je pense qu'on a eu le meilleur centre néo-zélandais que les All Blacks n'ont pas eu. Sincèrement, dans la vie, vous avez rarement l'occasion de croiser des gens aussi authentiques et simples, à l'image de Pita et sa famille. Avec le staff, on a eu la chance d'entraîner une légende du club et, je crois, qu'il intègre la lignée des Jauzion, Fritz, Bonneval et autres. En tout cas, un grand centre nous quitte. Je ne lui ferai pas l'offense de lui tendre le micro, car, parfois, il ne faut pas dire grand-chose de plus que merci.”

