C’est l’un des feuilletons qui a alimenté les choux gras de la presse néo-zélandaise et au-delà l’an passé. Qu’à réellement poussé Liam Squire à décliner la sélection NZ en vue du Rugby Championship 2019 et du Mondial nippon, lui, le premier homme à refuser l’appel du maillot noir depuis un certain Brad Thorn en 2001, alors que celui-ci, tout juste arrivé du XIII, était encore indécis sur son avenir à XV dans l’archipel kiwi ? Après un an de silence radio, son futur pourrait tout de même s’inscrire à nouveau du côté des Highlanders.
Liam Squire - ''Pour moi, la santé mentale est beaucoup plus importante que de jouer au rugby''
Dans un solennel message Instagram qui avait alerté l’opinion, le principal intéressé s’était exprimé sur les raisons qui l’avaient poussé à prendre du recul sur sa carrière internationale, sans trop de précisions non plus. Las, le solide flanker des Highlanders évoquait "une année vraiment difficile pour moi mentalement et physiquement, et après avoir parlé à des gens de confiance pour savoir si je devais me rendre disponible pour les All Blacks, je sentais que je n'étais pas encore prêt physiquement ou mentalement à la pression des tests-matchs ». Avant de conclure dans une ultime tirade bien plus équivoque et glaçante. « Pour moi, la santé mentale est beaucoup plus importante que de jouer au rugby".
Un garçon tiraillé
Alors, pour tenter de mettre des mots sur les maux de "l’exécuteur" des All Blacks de 2016 à 2018, il faut déjà comprendre qui il est. Squire ? C’est ce garçon épais comme un tronc d’arbre (1m96 pour 113kg), agressif comme personne sur le pré et un brin marginal, voire hors cadre, sur comme en dehors.
Il arbore en effet un improbable mulet depuis son arrivée à Dunedin fin 2015, présente un imposant et singulier tatouage sur son bras gauche, a toujours surpris par sa capacité à aller s’empaler comme un dératé sur les défenseurs entravants son chemin, telle une voiture sur un mur de briques et sans jamais se soucier de sa propre santé physique.
Né au Sud de l’île de Nord, dans la "Rose City" de Palmerston North, lui préfère les grands espaces à l’agglutination étudiante que propose sa ville natale, aime aller chasser le cochon dans les plaines herbeuses battues par les vents comme il est souvent de coutume des deux côtés du détroit de Cook.
Un colosse qui pourtant - et c’est peut-être le prix à payer d’un style de jeu physico-physique et rugueux au possible - à vu son corps meurtri au fur et à mesure de sa jeune carrière professionnelle, et ce, dès les prémices de celle-ci. En 2014, alors qu’il joue le plus souvent numéro 8 et bat encore le fer avec les Chiefs d’Hamilton, l’enfant de l’île du nord est contraint à 6 mois d’arrêt par les médecins de sa franchise après une série de sévères commotions auxquelles il ne prêta pas spécialement attention dans un premier temps...
Une affaire qui fit grand écho chez les dirigeants de Waikato, quelques mois après que leur pilier Ben Afeaki dû arrêter sa carrière pour les mêmes raisons à seulement 26 ans et un choc ultra-violent subit à la tête face aux Crusaders.
Dans la foulée, malgré de bonnes performances, Liam Squire n’est que très peu utilisé par les Chiefs, certainement refroidis par ses soucis de santé de l’année précédente. Il file donc aux Highlanders, où il s’épanouit pleinement sous le toit vitré du Forsyth Barr Stadium, disputant 14 rencontres dont 8 titularisations dès sa première saison à Dunedin en tant que pendant d’Elliot Dixon et Luke Whitelock sur le banc, avant de devenir un cadre dès la saison suivante…
Blessures à répétition et problèmes personnels
Si bien que le numéro 6 des Landers fit ses premiers pas en sélection dès 2016, avant d’en devenir un titulaire à part entière dès la retraite internationale de Jerome Kaino en 2017. Chez les hommes en noir, son profil de gros porteur de balle plaît fortement. Grâce à sa force pure et ses grands compas, il apporte ainsi une vraie touche de vitesse et de puissance dans les couloirs du schéma préétablit des All Blacks, tandis que sa rudesse et son appétence pour le combat sont idéales pour marquer l’adversaire au fer rouge en défense.
Certes moins hyperactif au plaquage que ses compères Cane et Read, Squire compense par sa force de pénétration et ses timbres résonnants à chaque fois qu’il enserre, en dépit d’une indiscipline presque chronique mais collatérale de son style de jeu pour le moins viril.
"C'est un joueur de rugby assez phénoménal quand il fait bien les choses, et ce soir, il les a bien faites. C'était très agréable à regarder", applaudissait le sélectionneur Steve Hansen au sortir d’un match fantastique de son « blindside flanker » face à l’Australie en 2017.
Mais ensuite, les pépins physiques ne vont pas tarder à (re)pointer le bout de leur nez. Blessures successives au pouce, à la main, à la hanche, au genou, Squire a du mal à enchaîner malgré des performances brillantes à chaque occasion qui lui est donnée, et ne dispute que 16 matches en deux saisons avec sa franchise et 8 brides de test en 2018. Alors que sa place est remise en cause par l’opinion des suites de ses multiples absences et des montées en puissance de Shannon Frizell et Vaea Fifita, son statut est, lui, conforté par Hansen.
Mais après une nouvelle blessure à la fin de l’année, "Squid" sent le vent tourner... A l’aube du Super Rugby 2019, l’ancien joueur des Chiefs annonce son départ pour le Japon et les NTT Domocos Reds, où le contrat juteux et la bien moindre adversité qui l’attendent sont un gage de sécurité pour un garçon de 28 ans si souvent blessé.
Acte prémédité ou non, il demeure néanmoins que dans la foulée, après trois petites rencontres en championnat, les Highlanders annonçaient que leur troisième ligne se mettait en retrait jusqu’à la fin de la saison pour cause de "problèmes personnels et familiaux", d’après les mots du manager Aaron Mauger. Une bien triste manière de conclure une si belle aventure dans la région d’Otago.
Quelques mois plus tard, le numéro 6 n’allait vraisemblablement pas mieux et préférait donc décliner la proposition de son sélectionneur. Troubles dépressifs, pression exacerbée, corps meurtri ? Personne n’en sait d’avantage plus d’un an après alors que coach Hansen qualifiait la décision de son troisième ligne de "courageuse" après s’être entretenu avec lui sur le sujet et sans rien divulguer là-dessus. Toujours est-il que Liam Ivan John de son nom complet dû tirer un trait sur son avenir en noir jusqu’à nouvel ordre...
La renaissance, bientôt ?
Alors pourquoi remettre le couvert sur la table aujourd’hui ? Parce que pandémie aidant et problèmes persistants, on apprenait le mois dernier le retour de Squire en Nouvelle-Zélande, qui confiait avoir profité de la longue période d’inactivité et compter sur les mois à venir pour soigner en profondeur son corps meurtri et "mal guerri par les opérations passées".
Ces derniers jours, Rugby Rampage révélait même que le tout nouveau manager des Highlanders avait fait de lui sa priorité. "J’ai eu une bonne discussion avec Liam juste pour voir où il en était", révélait Tony Brown pour le Stuff ce mardi. Avant d’avouer : "Pour moi, il est assez unique dans le rugby néo-zélandais. Alors s’il est enthousiaste, disponible et prêt à repartir au combat, nous reviendrons naturellement vers lui". Une quintette Squire/Frizell/Mikaele-Tu’u/ Himeno/Lentjies en troisième ligne, avouez que ça aurez de la gueule, non ?