Du football américain au rugby, il n'y a qu'un pas. Vous en doutez ? Et pourtant. Malgré le fait qu'il s'agisse de deux sports diamétralement opposés, il n'est pas si rare d'apprendre que certains rugbymen se sont essayés avant ça dans leur jeunesse, au sport créé dans l'Ohio au cours des années 1920. Et vice versa bien entendu. L'un des exemples les plus marquants à l'heure actuelle reste Perry Baker, star du Sevens, adepte du football américain avant de passer au rugby après qu'une blessure au genou n'ait raison de sa carrière en NFL. On pense aussi à Christian Wade, ancien prodige des London Wasps, qui a vêtu le maillot du XV de la Rose à deux reprises mais aussi celui des Lions Britanniques. L'ancien ailier, 3ᵉ meilleur marqueur de l'histoire de la Premiership avait annoncé mettre un terme à sa carrière en 2018 pour se lancer dans le Football américain. C'est aussi le cas de Guiterembi Vickos, colosse pilier droit de Massy (1m87 128kg) de 28 ans, qui a d'abord goûté aux joutes d'un sport presque méconnu en France, avant de se lancer dans notre chère discipline.
C'est tout juste majeur que le natif de Toulouse se prend de passion pour le football américain. À l'époque, rien ne lui prédit une dizaine d'années plus tard une carrière dans le rugby : ''J'ai commencé par le football américain à mes 18 ans en 2010 aux Météores de Fontenay Sous Bois où j'ai évolué deux ans pour ensuite partir en sport étude aux Spartiates d'Amiens. Là-bas, j'y ai joué 1 an.'' C'est dans la capitale de la Picardie, que Guiterembi Vickos va se faire un nom dans le milieu, et connaître le Graal de porter le maillot de la sélection française : ''J'ai commencé à faire les équipes de France. Puis, après mon passage à Amiens, je suis revenu dans la région parisienne où j'ai évolué pendant un an au Flash de la Courneuve''. Du Football américain, Guiterembi n'en garde que des bons souvenirs. Et pour cause. Outre son passage et ses cinq sélections en équipe de France, ce sport lui a permis de voyager, vivre des expériences exceptionnelles et principalement se forger un caractère : ''Le Football américain m'a apporté énormément de choses. De la confiance en moi, le leadership mais également de la maturité. J'ai beaucoup voyagé grâce à ce sport. J'ai participé à la Coupe du Monde, eu le privilège d'être sélectionné deux fois dans une sélection mondiale qui a lieu chaque année et regroupe tous les meilleurs joueurs du monde pour affronter les USA, mais aussi la Coupe d'Europe.''
Une carrière qui semble alors toute tracée au sein du sport américain. Et pourtant, Guiterembi Vickos va prendre un virage à 180 degrés, peu de temps après son ascension dans la discipline chérie dans le ''Nouveau Monde''. Tout part alors d'un coup de fil. La suite, l'intéressé la raconte : ''Un ami m'a contacté pour faire les essais au Stade Français en Espoirs. J'ai été pris et donc commencé le rugby à 22 ans''. Et si ce changement radical peut étonner, il sonnait presque comme une évidence pour notre protagoniste : ''À la base, j'étais déjà très intéressé par le rugby. J'aimais vraiment le football américain, l'ambiance, mais il me manquait quelque chose. J'étais linebacker, j'évoluais en deuxième ligne défensive et ne faisais que défendre. Je n'attaquais pas, n'avais jamais la balle et je me contentais de plaquer. Quand mon ami m'a appelé, j'ai immédiatement accroché, surtout l'ambiance et le cadre autour. C'est comme ça que j'ai commencé à délaisser le Football américain pour le rugby.''
Gennevilliers, Suresnes puis Massy
Les prémices de l'aventure rugbystique du pilier démarre donc dans les travées de Jean Bouin, ou plutôt au complexe du Saut du Loup, avec le Stade Français. Et pourtant, l'expérience au sein du microcosme de la balle ovale a failli tourner court : ''Dès ma première année au Stade Français finie, je pensais arrêter le rugby. C'est Serge Collinet qui m'a poussé à continuer. Il m'a proposé de rejoindre Gennevilliers. Je suis donc partie, et j'ai signé à Gennevilliers où ça ne s'est pas bien passé.'' Pas une raison d'abdiquer. Le joueur trouve un nouveau point de chute l'année suivante, à Suresnes cette fois-ci. Nous sommes alors en 2017 lorsqu'il s'engage avec le club des Hauts-de-Seine, en Fédérale 1 : ''Vincent Carbou qui m'avait sélectionné lors de ma sélection en espoirs au Stade Français m'a alors appelé pour aller à Suresnes, où il était entraîneur et j'ai signé.'' Il faut dire que le profil de Vickos impressionne. Puissant, il n'en reste pas moins un pilier mobile et surtout fort en conquête lors de l'exercice de la mêlée : ''J'aime le contact. On va dire que je ne suis pas trop dans l'évitement, mais beaucoup plus dans le frontal. J'apprécie tout ce qui se rapproche de l'affrontement : mêlée, ballon porté, contact balle en main, tout ce qui est du domaine de la force, parce que je pense en avoir beaucoup (rires).''
Mais le joueur possède également des aptitudes et des qualités d'explosivité indéniables ainsi qu'une aisance balle en main rare pour un joueur de son poste. La raison est toute trouvée et résulte du fruit de sa formation au Foot US, et ce, malgré la différence qui règne entre les deux sports. Il explique : ''Le Football américain et le rugby sont très différents. En terme d'explosivité, je vais dire qu'il y en a beaucoup plus dans le Foot US, le rugby est plus dans la continuité. Cela m'a beaucoup apporté sur tout ce qui est agilité, plaquage et donc au niveau de l'explosivité. En revanche, le rugby était bien plus compliqué au niveau du cardio. Au Football américain, je me donnais à 100% sur un plaquage et ensuite je me reposais, alors qu'en revanche au rugby, je dois plaquer fort et me relever aussitôt pour me replacer dans la ligne défensive.''
À Suresnes donc, Guiterembi va y passer trois ans, où il se fait une place à droite de la mêlée locale, notamment lors de la saison 2018/2019. Malheureusement, la saison suivante, après un début d'exercice une nouvelle fois satisfaisant, il connaîtra une grave blessure peu avant l'arrêt des compétitions, en mars 2020. Le verdict ? Une rupture du tendon d'Achille qui va précipiter son départ du club : ''Deux semaines avant le confinement de l'année dernière, je me blesse, rupture du tendon d'Achille. Suresnes changeait tout son staff et n'a pas cherché à savoir. Ils m'ont directement annoncé que je n'étais pas conservé suite à ma blessure''. Et s'il vit dans un premier temps mal cette annonce, pas question de traîner sa peine. Surtout, le joueur peut compter sur le soutien inconditionnel de certains membres (ou anciens membres) du club : ''J'ai été soutenu par beaucoup de joueurs, comme Omar Dahir qui évolue aujourd'hui en Pro D2 ou Madioke Konate. Je pense aussi au directeur de l'association Peter Frare qui m'a apporté son soutien, Guillaume Leleu, Rémi Macias et même Vincent Carbou qui n'est pas resté à Suresnes. Cela m'a donné énormément de forces. J'étais revanchard.''
🚨 NOUVELLE SIGNATURE 🚨
— Rugby Club Massy Essonne (@RCME91) October 20, 2020
Guiterembi Vickos devient officiellement Bleu & Noir 😍 Il a signé un contrat de 2 ans avec le Rugby Club Massy Essonne.
Pour plus d’infos 👇https://t.co/Gvc1bN9PFB
ALLEZ MASSY ! 🔵⚫️#RêverFort #MadeInMassy pic.twitter.com/wAITrZMPej
Le joueur va prendre son mal en patience, soigner sa blessure au milieu d'un monde alors à l'arrêt. Et le 20 octobre dernier, le RC Massy pensionnaire de Nationale, annonce sa signature. Une opportunité méritée qu'il saisit pleinement : ''J'étais très motivé pour revenir de ma blessure. Pour Massy, j'ai été contacté par Morgan Champagne qui m'avait déjà coaché à Suresnes avec Vincent Carbou. Il s'est bien renseigné, notamment sur mon après blessure. Il souhaitait savoir comment je revenais, etc. Il a fini par me faire confiance et m'a fait signer.'' Depuis, Guiterembi Vickos trouve peu à peu ses marques au sein du club de l'Essonne. Ironie de l'histoire, il retrouve, quelques mois après avoir posé ses valises à Massy, Suresnes son ancien club. Titulaire au coup d'envoi, il participera à la belle victoire de son équipe (38-3). Forcément un épisode particulier : ''Je n'ai pas quitté Suresnes en très bon terme. J'étais motivé à l'idée de jouer contre mon ancien club. J'avais soif de revanche et envie de leur montrer qu'ils avaient fait une erreur en ne me conservant pas. C'était un moment spécial.'' Désormais pleinement focalisé dans le rugby, il essaiera avec ses coéquipiers de qualifier son club pour les phases finales. Cinquième ex æquo avec Dax, à trois points d'Albi quatrième et premier qualifiable, la tâche ne s'annonce pas aisée, mais est loin d'être impossible. Surtout, le RCME pourra s'appuyer sur un joueur déterminé : ''J'ai cette envie permanente de gagner, aller de l'avant et ne jamais rien lâcher''. Un tempérament fort. Le RCME en aurait bien eu besoin ce week-end, au moment d'aller défier Narbonne troisième sur ses terres. Le match sera finalement reporté, des Narbonnais étant positifs à la Covid-19.
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