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Montpellier : Cobus Reinach, l’homme qui courait aussi vite que son père

Derrière son goût prononcé pour la vitesse, le brun ténébreux Reinach cache une histoire endeuillée beaucoup trop tôt, ainsi qu’un héritage exceptionnel.

Theo Fondacci 08/01/2021 à 18h00
Le demi de mêlée sud-africain Cobus Reinach qui tire le MHR à bout de bras possède une histoire particulière.
Le demi de mêlée sud-africain Cobus Reinach qui tire le MHR à bout de bras possède une histoire particulière.

Montpellier vit une saison galère, c’est un fait. 13ème et premier relégable de ce Top 14 2020/2021, le MHR et ces colosses ne font plus peur à personne cette année, tandis que les remous en interne n’en finissent plus du côté de l’avenue de Vanière. Au milieu du chaos, l’une des seules satisfactions héraultaises de l’année est probablement leur recrue vedette, qui elle, tient son rang. 4 essais en 8 titularisations depuis son arrivée, les mêmes départs supersoniques en bordures de rucks que ceux qui ont fait sa renommée, et un garçon quelque peu esseulé sous les couleurs de Montpellier. Lui ? Vous l’avez reconnu, il s’agit bien sûr de Cobus Reinach (30 ans, 14 sélections), le numéro 9 sud-africain aux jambes de feu des Cistes.

Reinach ? C’est un garçon qui battit son CV lors de ses trois dernières années passées en Angleterre et le temps d’une soirée de Mondial à trois essais. Au Japon en 2019 et face au Canada, il avait en effet claqué en l’espace de 13 minutes le triplé le plus rapide de l’histoire de la compétition. À toute vitesse, comme toujours avec lui. Bien avant la gloire, les fins spécialistes, eux, avaient déjà pu admirer tout le gaz de ce joueur tonique (1m75 pour 84kg) sous le maillot des Sharks en Super Rugby, et ce depuis son éclosion en 2013. Titulaire à part entière à Durban depuis le départ pour la France de Charl McLeod en 2014, le barbu connut même les joies de la sélection nationale lors de la tournée automnale de cette même année, couronnée par deux essais en autant d’entrée en jeu, face à l’Angleterre et l’Italie s’il vous plaît !

Pourtant, le retour aux affaires du légendaire Fourie du Preez à l’approche du Mondial 2015 lui hôte une probable présence dans le groupe sud-africain. Il se dit alors qu’Heyneke Meyer lui aurait préféré les Pienaar et Paige, pourtant bien moins vifs, au profit de leur jeu au pied et de leurs qualités de gestionnaire, considérés comme le point faible de Reinach. Très déçu par sa non-sélection, le malheureux tentera de se refaire la cerise avec sa franchise, belle vitrine en vue des Springboks, mais enchaînera finalement par deux saisons bien moins abouties que les précédentes, gêné par des blessures musculaires à la cuisse notamment et moins « tueur » qu’à l’accoutumée. Bon an, mal an, au gré des pépins des uns et des autres, Reinach grappillera encore quelques bouts de match par-ci par-là sous l’égide d’Alistair Coetzee, mais sera bientôt contraint à l’exil par l’avènement des Cronjé et De Klerk et la prise de fonction de Rassie Erasmus, dont il ne fait alors pas partie des plans. Avec le profond sentiment d’un talent pas jugé à sa juste valeur.

Northampton, le détonateur de la bombe

Boudé au pays des Boers, « Uncle Buc » choisi donc l’Angleterre et la grisaille de Northampton pour se refaire une beauté. Dans les Midlands, le foudroyant demi de mêlée trouve rapidement chaussure à son pied et voit là un avenir radieux, d’autant que le club lui promet de le laisser à disposition des Boks en cas d’une éventuelle sélection. Ce que le principal intéressé décrira plus tard comme « l’unique facteur » de sa venue chez les Saints auprès de SA Rugby Mag. Là, Cobus voit en le Franklin’s Garden le terrain de jeu idéal pour se relancer, améliorer son bagage technique et apprendre à se canaliser quand le jeu le demande. En même temps, quoi de mieux que le club des « Saints » pour cela ?

Et le pari sembla plus que réussi tant les statistiques parlent pour lui. Auteur d’une belle première saison en Premiership, Reinach va ensuite littéralement transformer le jeu de sa formation aux côtés de son compère de la charnière, le Gallois Dan Biggar. En portant son total à pas moins de 31 essais en 76 apparitions sous les couleurs noires et jaunes en seulement trois ans, rien que ça ! Si bien que le « Human ferrari » deviendra vite l’un des chouchous de la mythique enceinte anglaise, complètement acquise à la cause de ses « try saving tackles » (comprenez retours défensifs gagnants) et de ses essais en soliste dont le sprinteur a gavé le public à de si nombreuses reprises. Jusqu’à devenir l’un si ce n’est le meilleur joueur du championnat d’Angleterre de ces dernières saisons.

Le magazine Rugby365 d’abonder qu’avec 21 essais, 55 franchissements, 1807 mètres parcourus, 98 défenseurs battus et 272 courses effectuées, Reinach était tout bonnement le numéro un incontesté de toutes ces catégories pour un demi de mêlée du Premiership depuis 2017. Devançant même un certain… Faf de Klerk, pourtant titulaire à la mêlée des champions du Monde en 2019 au Japon. Rageant.

Dans les traces de son père

Alors nous direz-vous, mais le néo-Montpelliérain travaille-t-il à outrance sa vitesse pour être à ce jour probablement le numéro 9 le plus rapide de la planète ? En cherchant bien, on jugerait que pas vraiment. Chez les Reinach, la vélocité est plutôt une affaire de famille, quand on sait que son père fut pendant seize ans le recordman du 400 mètres en Afrique du Sud, avec un chrono de 45’01 sec établit en 1983 à seulement 21 ans !

Plus tard, Jaco Reinach fut aussi le dernier sportif du pays à représenter à la fois les couleurs du springbok en athlétisme et en rugby, avant que l’équipe nationale de la balle ovale ne devienne la seule à jouer en vert et or. International Springbok, il le fut même à quatre reprises lors d’une quadruple confrontation face aux New Zealand Cavaliers - équipe non officielle des Blacks spécialement créée pour l’occasion - en 1986, à une époque où faute d’Apartheid et après la controverse de la tournée de 1981 au pays des Kiwis, il était très mal vu d’aller jouer chez les Sud-Africains. Pour trois victoires et deux essais marqués tout de même !

Un père doué qui, malheureusement, trouva la mort dans un accident de la route à Kroonstadt un après-midi de janvier 1997, alors que sa femme était enceinte du petit dernier et que Cobus n’avait même pas 7 ans. En hommage à son père, l’orphelin se jura alors de faire au moins aussi bien que celui qu’il admirait tant, quand il serait plus grand. Et son héritage exceptionnel, à savoir ses aptitudes incroyables à la course, ne fut certainement pas étranger à la réussite de son fils, aujourd’hui considéré parmi les meilleurs demi de mêlées de la planète.

Vingt-quatre ans après le drame sa vie, c’est maintenant sur la pelouse du GGL Stadium que Reinach fils déploie ses jambes de feu, là où il s’est engagé pour trois ans et près de 600 000 euros par saison. Pourra-t-il sortir Montpellier du bourbier dans lequel il semble pris ? Premier élément de réponse dès ce dimanche, sur le terrain de Brive. Toujours dans les « starting-boks' » !

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