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XV de France - Karim Ghezal : ''Cet état d'esprit fait que le public les a suivis''

L'entraîneur de la touche du XV de France Karim Ghezal revient sur la période de confinement et dresse un premier bilan du Tournoi des 6 Nations 2020.

Thibault Perrin 02/07/2020 à 16h30
Karim Ghezal a hâte de reprendre le chemin des terrains avec le XV de France.
Karim Ghezal a hâte de reprendre le chemin des terrains avec le XV de France.

Comment avez-vous vécu le passage au confinement alors que vous étiez en pleine compétition ?

À ce moment-là, le sport n'était pas prioritaire. Il y avait des choses bien plus importantes qui devaient passer avant. Que ce soit pour le staff, les joueurs ou monsieur tout le monde, tout le monde a été logé à la même enseigne. Il a fallu s'adapter. Après avoir fait le constat de la situation, on a essayé de maîtriser ce qui était dans nos cordes. Il a fallu trouver des moyens de se préparer différemment, de progresser autrement. Si j'avais encore été joueur, je l'aurais pris de manière positive. En essayant aussi de relativiser par rapport à ce qu'il se passait autour.

Quelles émotions prévalaient au moment de l'arrêt du Tournoi ? 

On est sorti du Tournoi avec beaucoup d'émotions en passant d'un environnement avec beaucoup de monde à la famille proche. C'était un changement assez brutal mais se retrouver sur des choses simples, c'est bien aussi. On a vécu sept semaines intenses avant de revenir à des choses basiques. Forcément, j'étais un peu déçu du dernier match (défaite conte l'Ecosse à Murrayfield, NDLR.). Il y avait aussi de la frustration de ne pas pouvoir jouer le match contre l'Irlande qui était à guichets fermés au Stade de France depuis des mois. Mais avec un peu de recul, je me dis qu'on a aussi eu la chance de vivre ces sept semaines de travail en commun. Il a manqué cette huitième semaine avec ce cinquième match et le défi de savoir comment le préparer. 

De quelle manière le staff tricolore s'est-il organisé ?

Si nous avions pu affronter l'Irlande, nous aurions eu une coupure nécessaire après le Tournoi. C'est une compétition très intense. C'est différent de ce qu'on peut vivre en club avec cet enchaînement de matchs de haut niveau en peu de temps. Très rapidement, on a fait le bilan. Chacun de son côté, on débriefait puis on abordait un thème différent chaque semaine le lundi en visio. C'était hyper constructif. On a vu ce qui avait été positif et ce qu'on pouvait améliorer en se projetant sur cette huitième semaine.

Qu'est-ce qui est ressorti de ce bilan ?

Au niveau du staff, ce qui est ressorti, c'est qu'on a réussi à faire ce qu'on avait prévu début novembre avant le Tournoi. On a été voir les joueurs dans les clubs, on a tenu la planification des entraînements dans un temps très court, on n'a pas lâché sur l'intensité des entraînements. De mon côté avec William (Servat, en charge de la mêlée, NDLR.), on n'a pas travaillé en silo. Au contraire, il y a eu une très bonne collaboration. La chose qui est ressortie le plus pour nous, c'est l'état d'esprit des joueurs. Alors oui, on peut encore améliorer certains points. Mais il ne faut pas oublier qu'ils ont 24 ans de moyenne d'âge et une poignée de sélections. Cet état d'esprit fait que le public les a suivis. On l'a vu en Ecosse. On est très déçu par le résultat mais il y avait 15 000 personnes pour nous encourager.

En parlant des supporters, un essai les a particulièrement marqués : celui de Willemse face aux Gallois après une touche. C'était une tactique que tu avais prévue ? 

En amont des matchs, je travaille beaucoup à la vidéo. Il y a toujours une possibilité comme ça dans une rencontre. J'avais proposé quelque chose aux joueurs en leur disant qu'il y avait une opportunité. Après l'idée est bonne ou pas bonne. Mais ici il fallait éviter de leur donner un ballon à enterrer devant leur ligne. On sait qu'ils défendent très bien les mauls. Surtout avec 75 000 supporters qui les poussent. Le ballon était gratuit quoi qu'il arrive devant leur ligne car ils ne sautaient pas. J'avais vu une opportunité dans le fermé avec un ailier qui était tout seul et pas forcément bien protégé. J'ai juste parlé de cette opportunité aux joueurs et je leur ai laissé le choix sur la manière de l'exploiter. Soit d'arracher le ballon ou bien de donner un peu en pivot. Et c'est ce qui est le plus important pour moi. Tu leur donnes des possibilités mais au final, ce sont eux qui décident de comment ils veulent jouer le coup. 

Pour moi, les voir utiliser leur points forts c'était presque plus l'important que l'essai. C'est Paul qui a marqué mais ça aurait pu être Tao (Romain Taofifenua), qui était remplaçant. L'idée, c'est de les utiliser là où ils sont les plus forts. Paul est un joueur puissant, la touche n'était pas compliquée. Il n'y a rien de fantastique mais on les a vus valider quelque chose qu'on avait étudié ensemble. C'est la construction qui est intéressante sur la semaine, et par rapport aux deux premiers matchs.

Dans ton domaine, la touche, sur quoi as-tu insisté en particulier ?

J'ai essayé de mettre en place des choses, comme l'autonomie des joueurs pour qu'ils se prennent en main, et j'ai vu une vraie progression pendant le Tournoi. Au niveau du staff, l'objectif était d'insister sur les points forts. Quand tu retrouves les joueurs 15 jours avant d'affronter l'Angleterre, tu ne peux pas leur dire "tu dois progresser là et là aussi". Le joueur doit se dire que s'il est là, c'est que c'est le meilleur quelque part. Donc il faut les utiliser là où ils sont les meilleurs et les mettre en confiance. Il valait peut-être mieux que ce soit Paul qui percute, Charles Ollivon qui saute et untel qui arrache. Alors oui après la compétition, on leur donne des axes de progression. Mais quand on les a, il faut qu'ils se sentent dominant quelque part, qu'ils se disent qu'ils amènent quelque chose à l'équipe. 

Malgré le confinement, avez-vous donné des consignes aux joueurs après le Tournoi ? 

On est surtout resté en contact pour prendre des nouvelles. J'avais préparé des bilans techniques sur le déplacement au sol notamment et je comptais les leur envoyer mais au final je les ai gardés. Il fallait avant tout se recentrer sur des choses essentielles. On savait que les clubs, avec qui on a de très bons rapports, reprendraient la main progressivement sur les joueurs. Il fallait laisser le temps au temps. Mais on va petit à petit reprendre contact et leur parler de ce qu'on avait prévu initialement entre les compétitions. Le but, c'est que le joueur sache ce qu'on attend de lui en club et en équipe de France.

Le programme de fin d'année risque d'être chargé pour les Tricolores si on en croit les dernières infos.

En tant que technicien, j'essaie surtout de me concentrer sur ce que je peux maîtriser. J'attends juste qu'on me dise quel match et quel jour. Le calendrier devait être annoncé au 30 juin. Mais tout ce qu'on sait, c'est qu'il y aura cette huitième semaine et ce cinquième match contre l'Irlande. C'est le plus important. Après, on ne sait pas contre qui on va jouer mais on a hâte de retrouver les joueurs et de repartir sur de bonnes bases. Pour le moment, on ne sait pas encore quand aura lieu le rassemblement.

Si la victoire dans le 6 Nations n'est pas au bout, est-ce qu'on pourra quand même parler d'un Tournoi réussi ? 

On ne peut pas encore le dire. La finalité qu'on avait c'était de redevenir une nation majeure en gagnant rapidement des matchs et des compétitions. On a que sept semaines de vécu donc on est sur le début du chemin qui doit nous mener dans le Top 3 mondial. On est toujours en lice pour gagner une compétition si le match se joue. Il faut aussi renouer avec la victoire car on a perdu le dernier match qu'on a joué. Il y a pas mal d'objectifs sur les rencontres qui arrivent. En gagnant une place, on pourrait aussi être tête de série en vue du tirage au sort de la Coupe du monde 2023 qui aura lieu en novembre. On voit plutôt le positif en se disant qu'on a de quoi être challengé. L'important c'est de jouer et d'avoir des adversaires de haut niveau pour faire progresser nos joueurs. Qui que ce soit, on sera prêt à jouer en octobre, en novembre, peu importe.

Est-ce que toute cette incertitude pèse sur le staff tricolore ? 

Non parce qu'on essaie de se concentrer sur ce qu'on peut maîtriser. Le haut niveau c'est savoir s'adapter, prévoir l'imprévu. On l'avait vu aussi en Ecosse où on était arrivé avec 20 minutes de retard puis avec la blessure de Camille Chat à l'échauffement. Là, on est encore en plein dedans. Ce qui doit en ressortir c'est la sérénité et savoir où on veut aller.

Tu parles beaucoup d'adaptation. Est-ce que la décision de Jefferson Poirot de prendre sa retraite internationale va justement pousser le staff à s'adapter ? 

Beaucoup de choses ont été dites sur son choix. Tout le staff respecte sa décision. Je ne le connaissais pas forcément avant de le rencontrer à Bordeaux lors de la visite des clubs. Il a été irréprochable durant les sept semaines de travail. La décision qu'il a prise lui appartient. On n'a pas forcément à la commenter car on se focalise sur ce qui arrive. Avoir 42 joueurs à l'entraînement se révèle être une chose très positive. Les Baille, Gros, Castets ont montré qu'ils étaient là. On a vu qu'on avait un réservoir français de qualité avec des éléments qui peuvent apporter leurs points forts à cette équipe de France. Ils sont prêts à tout donner pour leur pays.

Les jeunes joueurs qui sont arrivés amènent une grande fraîcheur et réalisent des entraînements de grande qualité. Certains n'avaient pas de sélections mais je pense qu'ils ont réellement progressé. Quand ils seront sur le terrain, ils ne seront pas perdus. Ils se sont tous tirés la bourre ce qui a permis d'avoir une vraie émulation avec des entraînements à 15 contre 15. Sans l'arrêt de la saison, je pense qu'ils seraient revenus en pleine forme en club. Ce temps passé avec les Bleus a été précieux même pour ceux qui n'ont pas joué. 

Est-ce qu'on peut regretter justement de ne pas avoir vu ces joueurs-là pendant la Tournée en Argentine

Tout le monde a été impacté par cette crise mondiale. Au final, ce sera à celui qui a su le mieux tirer parti de cette période qui s'en sortira le mieux. C'est là aussi qu'on se dit que sept semaines d'entraînement à 42 ont été bénéfiques. Tout le monde a hâte de retrouver le public et le terrain. Quand on est rentrés du Pays de Galles, il y avait 2000 ou 3000 supporters à l'aéroport, c'était la folie. Ceux qui ont plus d'expérience comme Fabien (Galthié, NDLR.) ou Shaun Edwards disaient qu'ils n'avaient jamais vu autant d'engouement. Mais c'est quelque chose à laquelle il va falloir s'habituer. La prochaine Coupe du monde aura lieu en France. Et les gens attendent beaucoup de ces Bleus qui ont montré un superbe état d'esprit. On a hâte de revivre ces émotions. C'est quelque chose qui te dépasse. Tu représentes ton pays. Pour moi, il n'y a rien de plus beau.

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