Avant d'accepter de prendre en main le XV tricolore, Guy Novès a pesé le pour et le contre. Il n'est pas homme à prendre des décisions à la légère. Il est un homme de devoir, loyal, n'oubliant pas ses racines toulousaines. Lui, le fils d'ouvrier, au caractère bien trempé, a tout d'abord préféré rester au chevet d'un père aimant et aimé, plutôt que de se perdre dans les méandres de Marcoussis.
Supporter de l'équipe de France
Guy Novès l'affirme il a toujours été "supporter de l'équipe de France du moment où [son] club ne jou[ait] pas". Ce sont les médias qui auraient "fait monter la sauce", et ses propos auraient été "plus interprétés" qu'il n'auraient été "compris". Pourtant, ceux-ci étaient limpides et s'étalaient largement dans les colonnes des journaux qui l'interrogeaient. Du Midi Olympique, en passant par La Dépêche du Midi ou encore Le Parisien, tous les journalistes retranscrivaient le même discours.
Les doublons étaient son cheval de bataille favori, ce contre quoi il s'érigeait. Tous les ans, à la même époque, le nouveau sélectionneur des Bleus répétait inlassablement le même discours. "Les doublons polluent notre travail", "ils ne donnent pas au sport français l'image d'un rugby vraiment professionnel". Et pour prouver qu'il parlait au nom du Rugby avec un grand R, il l'assurait dans Le Parisien, "le championnat est faussé à partir du moment où il y a une journée qui doublonne !"
Guy Novès : « J'ai refusé des internationaux français »Le Stade Toulousain avait trouvé en Guy Novès, le meilleur des avocats. Mais c'est surtout le Top 14 qu'il entendait défendre envers et contre tous. Sans détour, il affirmait que le système était "en train de tuer le rugby des clubs", de fausser le championnat, lorsque des équipes jouant le maintien rencontraient un Stade Toulousain au complet ou diminué de l'ensemble de ses internationaux. Pour éviter cela au maximum, l'entraîneur qu'il était avoue avoir "refusé des internationaux français qui voulaient rejoindre Toulouse".
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Des joueurs usés
Mais les doublons n'étaient pas la seule source d'inquiétude du sorcier de Pibrac. Le début de saison, période clé des résultats futurs, semblaient l'interroger. Au moment de voir partir neuf de ses joueurs en stage en équipe de France, il assurait alors que ceux-ci revenaient "le jeudi complètement cuits", sans possibilité de les utiliser le week-end suivant.
Guy Novès : « Je ne suis pas naïf »Pour préserver la santé de ses hommes, Guy Novès préconisait même se passer de la tournée d'été car les "joueurs y arrivent trop fatigués et [l'équipe de France] se prend 40 points partout". Enfin, les stages de septembre mettaient, selon lui via Eurosport, l'intégrité physique des joueurs en danger, car "personne ne se soucie de la fatigue entraînée par la préparation".
La Fédération et la Ligue dans le viseur
Voilà les responsables de tous les maux du rugby des clubs, selon Guy Novès... son nouvel employeur, la Fédération, et la LNR. Il dénonçait à l'époque le dédommagement pour les joueurs retenus en équipe de France. Partant du postulat qu'un international absent coûtait 2600 euros à son employeur et que celui-ci ne percevait en fin de chaîne que 1000 euros, Guy Novès, en bon gestionnaire faisait ce constat accablant à 20 Minutes, "on perd 1600 euros par joueur".
Mais cette perte nette ne semblait pas être son sujet de préoccupation premier, concernant les instances françaises. Les petits arrangements passés dans les couloirs feutrés de l'Avenue de Villiers (siège de la LNR, ndlr) agaçaient fortement l'ancien entraîneur Rouge et Noir. Entre le montant envoyé par la Fédération (1300 euros par joueur retenu) et le montant comptabilisé par les clubs (1000 euros), Guy Novès y voyait une rétribution aux Présidents de Pro D2 "qui [avaient] voté la convention [de mise à disposition des internationaux] alors qu'ils ne sont pas du tout concernés".
Une période de grâce ?
Bien qu'adoubé par l'ensemble des supporters français, le Toulousain aura du mal à gommer cette image de râleur invétéré. Son mandat à la tête de l'équipe vitrine du rugby hexagonal ne fait certes que commencer... mais nombre des acteurs du rugby français attendent un faux-pas de Guy Novès, pour faire voler en éclats l'entente cordiale qui règne, depuis la débâcle du Millenium.
Cependant, les maux évoqués, des années durant, par le sélectionneur national sont réels. En plus des problèmes évoqués, il met aussi en avant la faiblesse de la formation des jeunes, dans un article paru dans Rugby Mag. Dans tous les cas, les décideurs ont là, une bonne base de travail pour améliorer le futur du rugby tricolore.
Mais finalement, les amoureux de l'ovalie n'ont que faire des luttes intestines pourrissant leur sport. Ils souhaitent par-dessus tout de rêver à nouveau. Ils rêvent de retrouver ce jeu si imprévisible, fait de mouvement et de passes, d'évitement et de fulgurances, comme seuls les français savent faire. C'est pourquoi, dès samedi tous les spectateurs et téléspectateurs seront derrière les 23 gaillards présents sur le pré et leur entraîneur, pour commencer une nouvelle histoire.