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Évolution du rugby, commotion, formation : après les questions, quelles solutions ?

Passé l'émotion, quelles solutions pourraient être trouvées pour résoudre les problèmes liés à l'évolution du rugby ?

Clément Suman 10/01/2018 à 16h00
Le débat est ouvert sur l'évolution du rugby.
Le débat est ouvert sur l'évolution du rugby.

Le problème : L’évolution du rugby

D’un sport qui faisait la part belle à l’évitement, le rugby a évolué vers une discipline où le contact est devenu omniprésent, sans qu’une certaine notion d’équilibre soit installée entre les deux formes de jeu. Soyons clairs : le contact a toujours été présent, et le combat doit continuer d’exister sur un terrain. Mais l’essence du rugby n’est-il pas d’éviter l’adversaire par la passe, la vitesse, les crochets et d’utiliser la force lorsqu’on n’y arrive pas ?

En 2018, les nouvelles générations - qui n’ont connu que le rugby pro - ont été formés à ce rugby fait de contacts. La cause de cette évolution ? La formation et la détection, qui vont de paire. Combien de joueurs ont été sélectionnés dans les équipes départementales / régionales ou “recrutés” sur leur physique plutôt que sur leur talent ? Les clubs qui recrutent de se dire : “ils ont le gabarit, maintenant on bosse la technique.” Sauf qu’à quinze ans, il est trop tard ! Et les joueurs qui traversaient seuls le terrain à l’école de rugby ne font plus autant la différence, une fois opposés à des adversaires de mêmes dimensions physiques. À l’image du football qui a longtemps privilégié les joueurs physiques à ceux de petite taille, plus techniques, le rugby subit une politique menée chez les jeunes depuis le milieu des années 2000. Qui a ses conséquences, tant sur le niveau de jeu, que sur la santé des joueurs.

La solution :

Et si on changeait le mode de fonctionnement de la formation ? Le débat sur les catégories de poids chez les jeunes - comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande - a été relancé. Pour ne pas être aussi extrême, pourquoi ne pas… supprimer les contacts dans les matchs des jeunes, jusqu’en U15 ? 

Si on inculque aux enfants les notions d’évitement, tout en leur interdisant d’aller au contact, le réflexe restera à vie. Jouer au Touch, ne plus passer par le sol, faire de la vitesse et de la passe une force pour passer la ligne de défense… La différence se fait là. Lorsque l’enfant grandit et se développe physiquement, il peut ensuite passer au renforcement musculaire et à un jeu où les plaquages et les percussions - plus faciles à apprendre - seraient présents, le reste étant déjà assimilé. Cette révolution mettrait du temps à donner des résultats, mais elle aurait le mérite de faire avancer les choses. Plus de technique dans le jeu, c’est moins d’affrontement direct.

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Le problème : L’âge des joueurs en cause ?

Dans un communiqué, le syndicat Provale a pointé du doigt la titularisation de Samuel Ezeala sur la pelouse de la U Arena. “L'intensité, le rythme et la fréquence des matches peuvent poser la question de la présence sur le pré d'un jeune joueur de dix-huit ans dont le morphotype ne correspond pas à ceux des athlètes ''hors norme'' évoluant en Championnat.” Alors, trop jeune, Samuel Ezeala ? Même le journal L’Equipe s’est posé la question. Pourtant, Franck Azéma a mis les choses au clair : l’âge du joueur (18 ans) n’est pas un problème.

ASM : Franck Azéma met les choses au clair après le communiqué de Provale sur le cas EzealaLa solution :

L’âge des joueurs n’est pas vraiment un problème. Mis en cause par le communiqué de Provale, Azéma explique : “Il n’a pas joué parce qu’il est jeune mais parce qu’il est bon et sa très bonne première période le prouve comme je suis certain que l’avenir le montrera. [...] Sam a des mensurations et aussi des performances physiques et musculaires au dessus de nombreux joueurs chevronnés de mon effectif.” Voilà qui est dit. Dans un tweet, Frédéric Michalak est allé dans le sens du manager auvergnat, ouvrant un autre débat : celui de la technique de plaquage.


Le problème : La technique de plaquage

L’ancien ouvreur international le dit : le mauvais placement des appuis et la mauvaise épaule engagée nous expose souvent aux commotions.Le cas de Samuel Ezeala en est l’exemple, puisque le jeune Espagnol plaque mal Virimi Vakatawa. Surtout, il évalue mal la course du Fidjien d’origine : pris à contre-pied, il ne peut pousser sur ses jambes au moment d’engager l’épaule. Rajoutez à ça la tête placée du mauvais côté et la vitesse à laquelle court le Racingman lorsqu’il percute le Clermontois déjà sur les talons, et vous comprendrez la conséquence du choc.

La solution :

Comme le dit Frédéric Michalak, le plaquage et la technique de plaquage doivent être assimilés à l’école de rugby, là où commencent la majorité des futurs professionnels… ou joueurs amateurs, ne les oublions pas. C’est donc aux éducateurs d’avoir les armes (et les moyens !) pour donner les clés aux apprentis rugbymen. Gardons aussi à l’esprit qu’un accident est possible - comme c’est le cas lorsque Ezeala se fait prendre à contre-pied et n’a pas le temps d’ajuster son plaquage.


Le problème : le calendrier surchargé et le manque de repos

Au-delà du problème des commotions, c’est le temps passé par les joueurs à l’infirmerie qui interpelle. L’effectif décimé de l’ASM en est le symbole mais ce week-end, Benoit Paillaugue (MHR) et Yann Lesgourgues (UBB) ont rejoint le rang des blessés de longue date. Quand ce n’est pas l’épaule, c’est la cheville, quand ce n’est pas la cheville, c’est le genou… Dans son communiqué, Azéma en appelait à “la prise de décisions sur des choses qui peuvent avoir un impact sur le court terme”, citant “le format des compétitions” et “les plages de récupérations obligatoires”. Le calendrier, un long serpent de mer du rugby français… Mis en cause depuis de longues années, il n’évolue pourtant pas.

Or, on ne joue pas au rugby comme au football, et les corps subissent ce rythme trop élevé. Si un joueur dispute trente matchs à haute intensité dans la saison - sans oublier les entraînements - il sera plus exposé que s’il ne joue qu’à quinze reprises et profite de plages de repos et de préparations importantes entre chaque rencontre. L’état de fatigue des joueurs joue aussi sur le nombre de commotions, et le manque de lucidité de certains au moment de (mal) plaquer.

La solution :

Faire évoluer la formule du Top 14 ? Avoir moins d’équipes, donc moins de matchs ? Supprimer les matchs retours ? Créer une ligue fermée pour que l’enjeu ne tue pas l’enjeu ? Il existe de nombreuses pistes pour aménager le calendrier des professionnels. Malheureusement, les enjeux économiques ont le dessus sur les envies de révolution, qui existent depuis de nombreuses années. Révolution qui permettrait aux joueurs de se préparer idéalement. Et de se reposer, surtout.


Le problème : les joueurs pas assez protégés ?

Casque, protège-dent, épaulettes… Le rugbyman ne possèdent - a priori - pas l’équipement pour prévenir les chocs à la tête subis tous les week-ends. Neurochirugien au CHU de Clermont-Ferrand, Jean Chazal expliquait via France Info que les conséquences de ces chocs sur le cerveau ne peuvent pas être connues dès aujourd’hui. Auront-elles un impact dans 20 ou 30 ans ? “A priori, l'imagerie [d’Ezeala, ndlr] est normale, mais il peut y avoir des microlésions. Et ces microlésions à très long terme peuvent entraîner des maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, des maladies dites dégénératives.” Des maladies qui touchent les boxeurs ou les joueurs de la NFL, soumis eux aussi à de violents coups à la tête/

La solution :

Posséder de nombreuses protections n’est pas une assurance pour éviter les blessures. La preuve avec les joueurs de NFL, dont les protections dépassent largement celles des rugbymen. Il faut donc sans doute chercher ailleurs pour éviter de mettre en danger la santé des joueurs.


Le problème : l’aménagement autour de la règle et l’arbitrage

Faut-il légiférer sur les percussions coudes en avant, devenues spécialité de beaucoup de joueurs ? Et si oui, comment ? Le problème de ces percussions, c’est qu’elles mettent en danger le défenseur qui peut se retrouver incriminé dans le même temps ! Si l’attaquant ne se baisse pas au contact et t'impacte avec le coude, le défenseur qui se baisse risque de se faire percuter et de se blesser. Donc le défenseur reste debout pour éviter le coude… mais risque cette fois-ci d’être sanctionné pour un plaquage haut.  

Ici, Arthur Retière se baisse pour plaquer Viliamu Afatia... et en subit les conséquences.

VIDEO. Top 14 : la charge de Viliamu Afatia sur Arthur Retière méritait-elle un carton jaune ?La solution :

La solution de l’arbitrage a déjà été trouvée avec les consignes de World Rugby. Les cartons rouges - devenus systématiques en cas de choc à la tête - sont de plus en plus nombreux, à l’image de ceux reçus par Puech et Vaipulu ce week-end. On pense également à celui donné en finale du Top 14 à Maxime Machenaud pour un plaquage dangereux sur Matt Giteau, retombé sur la tête. Que pourraient faire de plus les arbitres ?


Et vous, qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à en débattre dans les commentaires !

spir
spir
Une remarque générale à ce sujet, pour aborder un peu le fond du problème et penser plus globalement en sortant de nos oeillères rugbystiques : Quel animal est fait, est physiquement constitué pour encaisser des chocs violents à répétition durant 10 ou 20 ans ? Qu'en est-il de l'humain ? Remarque accessoire 1 : on doute déjà que l'humain soit naturellement chasseur (outre les questions physiologiques et métaboliques), sans armes, tant on est sous-doués \[\*\] ; alors être capables d'encaisser des milliers de tampons brutaux... pourquoi ? Remarque accessoire 2 : Quand les petits (humains et autres animaux) jouent à se poursuivre ou à lutter, y a jamais de chocs, même pas violents, si ? \[\*\] Si vous avez déjà essayé de choper juste une poule sur un terrain ouvert, vous comprenez de quoi je parle, lol ! ;)
Pecharo
Pecharo
Le synthétique n'aide pas il accélère les courses et donc l'énergie au moment des impacts. Et les articulations mangent (Raka et Penaud blessés sur la même action contre les Saracens...) Il faudrait faire un ratio blessé(type de terrain) et un autre commotion(type de terrain). On verra comment s'en sort le Racing avec son nouveau synthétique. C'est beau pour le jeu, on aime tous ça mais je pense que c'est accidentogène. Diminuer le nombre de remplacement, changera peut être le morphotype des joueurs qui seront obligés de jouer 80 minutes (à part pour la première ligne bien sur :) ) genre 3 1er ligne 1 autre avant 1 3/4 max. Elargir le terrain de 5 mètres (ou enlever un joueur) ça libererai des espaces et permettrai d'être dans l'évitement et puis peut être le raccourcir de 10 mètres pour être plus rapidement près des lignes d'enbuts et donc assurer le spectacle. J'aime voir du Rugby tous les WE mais je pense que ce soit pour le XV ou pour la santé des joueurs que ça ne peut pas être bon... On supprime les retours et au lieu de jouer 7 match par WE on en joue 3 ou 4 si on veut garder la même longeur de championnat. Les $ de Canal doivent pouvoir couvrir largement les pertes en billeteries, je suis prêt a faire une croix sur le multi.
Cathare31
Cathare31
Débat fort intéressant ! A mon humble avis, le tampon que met Vakatawa n'est pas fait pour dézinguer son adversaire. Comme l'ont précisé plusieurs intervenants Ezeala ne s'est pas fait prendre par les crochets et la "navigation" de Vaka dans la ligne. Il s'est retrouvé sur ses appuis juste en face et n'a pas eu le temps de changer de position (tête du mauvais côté et mauvaise épaule). Après, on pourra toujours disserter sur les gabarits des rugbymen d'aujourd'hui, on fera pas avancer le débat. Le jeune Ezeala n'est quand même pas un "nain de jardin" et ses mensurations sont plus que respectables. Maintenant s'il faut ré inventer des régles (évitement plutot qu'affrontement) cela va prendre du temps, ce qui est la denrée qui manque le plus dans notre scoiété actuelle. Les commotions sont devenues une problématique importante. Il semblerait que les différentes parties concernées (joueurs, médecins, clubs, fédé, LNR) soient conscientes de la situation mais le chantier est vaste... La multiplication des rencontres (TOP 14 + Coupes d'Europe + matchs internationaux). Cette fréquence ne permet pas de vraiment travailler et beaucoup d'entraineurs reconnaissent que les phase de récupération occupent de plus en plus de temps au détriment de l'approfondissement de la technique individuelle et collective. D'autre part, les gestes de bases DOIVENT être appris à l'école de rugby. Le plaquage est un élément important, qui au départ est toujours preçu avec appréhension par les enfants (et les parents). Par contre, si l'apprentissage de ce geste important est correctement effectué, non seulement l'appréhension s'en va rapidement mais le plaquage devient aussi un geste naturel et agréable à pratiquer tout comme un 2 contre 1 bien négocié ou un cad deb, ou une feinte de passe. Il y a autant de plaisir à réaliser un bon geste défensif qu'un gest offensif car en plus c'est souvent d'un geste défensif réussi que les ballons de contre attaque viennent. Ca va pas être facile à réformer tout ça !
Team Viscères
Team Viscères
Je crois avoir trouvé la solution pour limiter le nombre de commotions : interdire les commotions. À chaque commotion on met un carton rouge au mec KO (Pour ceux qui sont inconscients on peut fixer le carton à la civière, ils le verront en reprenant conscience). Alors oui je vois déjà les protestations, mais au bout de quelques semaines et quelques cartons les joueurs s'y feront.
figolu47
figolu47
Perso, j'ai plus l'impression que Vakatawa est surpris sans volonté de démonter son adversaire. Se regrouper pour ne pas subir un placage, ça me parait plutôt logique.... Ce genre d'accident arrive malheureusement, est toujours arrivé, et arrivera toujours. Le problème se pose sur des joueurs comme Tuisova (et d'autres, et je n'ai rien contre lui, je ne l'accuse de rien, et je ne fait pas parti d'un complot anti-rct ou pro-sua, même si j'aimerai bien qu'un complot pro-sua existe...oh wait ?) qui cherchent plus le contact. Pourquoi, dès lors, ne pas obligé le raffut ? En plus, cela servirait de point d'appuis pour contourner l'adversaire.
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