La saison 2019/2020 écourtée en raison du Covid-19 a vu les hommes de Franck Azéma terminer à la sixième place. Une moitié de saison en demi-teinte marquée par certaines méformes des cadres de l’équipe à leur retour de la Coupe du Monde au Japon en début d'exercice. Cette saison fut également marquée par des carences dans le jeu, qui furent toutefois pointées du doigt, et des difficultés à respecter les quotas JIFF. L’ASM a toutefois annoncé un recrutement et des changements dans le staff plutôt intéressants.
Une saison à deux visages
Avant l’annonce de la fin du TOP 14 le 30 avril par la FFR, la LNR et la ministre des sports, les derniers vices-champions de France pointaient à une peu habituelle sixième place. Néanmoins qualifiés pour les quarts de finale de la Champions Cup (qui auront finalement lieu le weekend du 19 septembre), les Clermontois ont en réalité vécu une saison 2019/2020 à double visage, n’affichant pas les mêmes prestations en championnat ou en Coupe d’Europe.
Gabriel Ibitoye joue tout seul contre la défense de Clermont [Vidéo]En effet, les Auvergnats ont comme à leur habitude débuté leur campagne européenne sur les chapeaux de roue. Ces derniers ont infligé plus de 50 points aux Harlequins, en livrant une démonstration de force au public du Michelin (7 essais, bonus offensif). Malgré un faux pas à Ulster, un des clients aux phases finales, les Clermontois ont enchainé les victoires et les points de bonus dans une poule plutôt homogène. Cette phase de poules fut très satisfaisante, avec notamment des lancements de jeu en attaque pragmatiques et léchés. Meilleure attaque des phases de poules et solide premier de la poule 3, les Jaunes et Bleus rencontreront le Racing, au Michelin, en septembre.
Néanmoins, en TOP 14 ce fut autre chose. 10 victoires, 7 défaites et surtout un seul petit point de bonus (contre Agen lors de la 17e journée, 32-15). Depuis la saison 2009-2010, seulement l’Aviron Bayonnais n’avait récolté aucun point de bonus avant la 17e journée. Un fait rare pour les clubs du TOP 14 et encore plus pour l’ASM, souvent caractérisé par un jeu d’attaque et de mouvement. Les Jaunards avaient déjà récoltés 7 points de bonus avant la 17e journée lors de la saison 2018/2019.
Le jeu clermontois en championnat agace les amateurs de rugby et supporters, assez furieux (par ailleurs de moins en moins nombreux au mythique Stade Marcel Michelin). Un jeu peu alléchant, moins offensif, marqué par les multiples fautes de mains. Un jeu plus frontal, moins dans l’évitement. Enfin, un jeu se reposant sur les nombreux X-factor de l’ASM (Aliveriti Raka, Damian Penaud, Peceli Yato…). La défense fut aussi critiquée. Habitués aux premières places du classement des défenses, les hommes de Franck Azéma figuraient cette saison à la dixième place des moins bonnes défenses du TOP 14 avec 377 points dont 45 essais encaissés.
Moins confiants dans le rugby qu’ils pratiquent, les Asémites assurèrent toutefois le minimum afin de rester attachés au groupe de tête. Les cadres de retour du Japon n’ont jamais réussi à enclencher une nouvelle dynamique. Les habituels meneurs tels que Camille Lopez ou Arthur Iturria paraissaient plutôt usés, au point de ne pas figurer dans la liste de Fabien Galthié pour le Tournoi des 6 Nations. Une déclaration de Franck Azéma résume toute l’irrégularité de cette saison via Le Figaro : « C’est très frustrant de manquer de consistance quand on connaît nos standards sur certains matches et de voir la pauvreté de celui-là ».
La question qui se pose alors est de savoir si les joueurs de l’ASM se concentrent principalement sur la Coupe d’Europe, compétition ne figurant pas au palmarès du club jaune et bleu, ou s’il existe une réelle baisse du niveau de jeu, ne se voyant pas encore en Champions Cup. Ce qui est sûr, c’est que les changements annoncés au sein de l’équipe et du staff pourraient sûrement permettre à Clermont se retrouver ses plus grandes ambitions.
Régler le problème JIFF
Lors de la saison 2019/2020, les clubs français ne pouvaient avoir plus de 15 joueurs non formés en France dans leur effectif. A la fin de la saison, ils devaient également afficher une moyenne de 16 joueurs issus des filières de formation française sur les feuilles de match. En apparence, un quota qui ne devait pas embêter Clermont, reconnu en France pour l’excellence de sa formation.
TOP 14 - Qui est en tête du classement des JIFF pour la saison 2019/2020 ?Néanmoins, à la fin de cette saison écourtée, Clermont fut le seul club en dessous du quota. Cela s’explique notamment par des blessures des JIFFs, des blessures longues (Jacobus Van Tonder, Judicaël Cancoriet) ou récurrentes (Arthur Iturria, Alexandre Fischer, Damian Penaud…). D’autant plus que les blessés longs furent remplacés des Jokers NON JIFF (Levave, joker 3e ligne). Il convient également de rappeler que l’effectif de base comprenaient beaucoup de NON JIFF dès le début de la saison (15 NON JIFF pour 15 autorisés, ce qui n’étaient sûrement pas la bonne stratégie quand il faut en aligner seulement 8 par match).
Le staff a bien constaté au moins de janvier, les difficultés à respecter les quotas. Éric de Crosmières annonçait déjà des changements pour la saison prochaine à venir : « On va passer de 15 à 9 joueurs non JIFF la saison prochaine ». Cela donna alors enfin plus de temps de jeu aux jeunes espoirs du club (T. Lanen,Giorgi Beria, Tani Vili…), laissant les étrangers non formés en France dans les tribunes (George Merrick, Peter Betham…). Clermont a tenté de rectifier le tir. Mais, pour 15,76 JIFF aligné sur 16 attendus, le club ne devrait pas recevoir sa prime de méritocratie. C’est le seul club de première division dans ce cas.
Ce non-respect des quotas donne une mauvaise image du club dans un contexte où le joueur étranger est considéré comme un joueur « piquant » la place des jeunes français. La saison 2020/2021 devrait faire oublier ces problèmes JIFF. En effet, Clermont ne compte plus que 10 NON-JIFF dans son effectif.
Mais un recrutement de qualité
Pour pallier les manquements dans son jeu aussi bien en attaque qu’en défense, le club auvergnat a procédé à un recrutement d’inter-saison de qualité. Le club a ainsi effectué un important lessivage. L’effectif paraissait vieillissant (plus de 5 joueurs de plus de 32 ans). De ce fait, on compte 13 départs et 7 arrivées dont 5 JIFF, sans compter les nombreuses promotions internes de jeunes talents clermontois (Kevin Viallard, Cheik Tiberghien, Thibaut et Clément Lanen, Tani Vili…).
Kotaro Matsushima est en cannes et c'est Clermont qui se frotte les mains [VIDÉO]Dans les recrues, on compte des joueurs plutôt jeunes, ou des joueurs ayant de l’expérience mais encore une marge de progression. On peut notamment citer le très prometteur talonneur grenoblois Etienne Fourcade (23 ans) ou encore le ¾ polyvalent japonais de 27 ans, Kotaro Matsushima. A propos de ce joueur, Azéma déclarait via L'Equipe : « Je pense que c’est un garçon dont les spécificités techniques et les capacités physiques correspondent parfaitement au rugby dont nous voulons mettre en place ». Toutes les recrues sont reconnues par leur mobilité et leur sens du jeu (Sébastien Bézy, Peni Ravai, Bastien Pourailly, Adrien Pelissié…). Ces recrues de qualité vont pouvoir créer une plus grosse concurrence entre les joueurs. Cette année, Franck Azéma avait l’habitude de faire jouer son équipe type, sans privilégier la politique de l’homme en forme. Or les performances des Clermontois ces dernières saisons s’expliquent en partie par la concurrence saine au sein du club, permettant à chaque joueur d’élever son niveau de jeu.
Pourquoi Tavite Veredamu a tout pour briller en Top 14 avec Clermont ?A noter également que Peceli Yato s’est fait opérer du genou peu après la reprise des entrainements. Le troisième ligne fidjien formé au club sera absent pour une période d’au moins 6 mois. Une grosse perte pour l’ASM - qui voit un de ses facteur X blessé avant même le début de la saison - où il ne reste que Fritz Lee au poste de numéro 8. Néanmoins, le club a recruté l’international français à 7 de 30 ans Tavite Veredamu. Ce joueur n’a jamais joué en TOP 14 mais il est doté de grosses qualités physiques, de quoi faire de beaux dégâts sur le pré. De ce fait, ce recrutement s’inscrit dans l’optique de pallier les manquements offensifs observés cette saison et que nous évoquions plus haut.
Du changement dans le staff
Cela avait été constaté, les Asémites maitrisent moins leur rugby que les saisons précédentes. Franck Azéma, entraineur en chef depuis 2014 mais également entraineur des ¾ depuis 2010, fut placé au centre des préoccupations. Ce dernier se remit même en question après la déculottée reçu à Mayol lors de la 11e journée de TOP 14 : « On n’a pas su faire passer le message dans la semaine. Je suis le premier fautif. Je me pose des questions. Est-ce que l’on ne m’entend pas ? ». Ce discours devenait même habituel à chaque fin de match. Des solutions ont alors été apportées par l’ASM.
Clermont : Azéma change de rôle, retour de Stanley dans le staffTout d’abord l’ex-All black Benson Stanley, qui a porté la tunique jaune et bleue durant cinq saisons, va occuper le poste d’entraineur de la défense. Annonce alléchante au vu de ses prestations défensives remarquables et remarquées lors de son arrivée en France. Xavier Sadourny, qui s’occupaient habituellement du jeu au pied et du lien entre les espoirs et les pros, devient entraineur des ¾. De ce fait, Azéma change de rôle et prend plus de recul par rapport au terrain. Il apparait alors comme un manager de l’ensemble du staff, comme avait pu l’être Guy Novès. Didier Bès garde son rôle d’entraineur de la mêlée, tout comme Bernard Goutta avec les avants et les phases de contact.
Cette saison en demi-teinte, que ce soit dans les résultats ou le contenu du jeu proposé par les joueurs clermontois, devrait sans doute permettre au club de rebondir. En effet, l’ASM a pris conscience des problèmes rencontrés et a apporté des solutions très intéressantes. On assiste à un nouveau vent de fraicheur sur l’ASM, club toujours aussi ambitieux au niveau national et européen. Il reste aux joueurs de Clermont, récemment en stage cohésion dans le Tarn, trois semaines avant de reprendre le TOP 14. Et ce sera par un gros match…contre le Stade Toulousain, le 6 septembre.
Crédit vidéo : CANAL+ Sport