Nous sommes le 2 novembre 2019. Sur la pelouse du Stade Nissan de Yokohama, les Springboks viennent de s’offrir l’Angleterre, en finale de la Coupe du monde. Et les soldats de Sa Majesté n’ont pas le temps de sécher leurs larmes que Siya Kolisi entre dans l’histoire, en soulevant le trophée Webb-Ellis. Un symbole de plus pour le 3e ligne, devenu quelques mois plus tôt le premier capitaine noir de l’Afrique du sud.
Dans son canapé, un certain Chiliboy Ralepelle a pu avoir quelques regrets face à la joie de son compatriote. Car l’ancien Toulousain avait tout pour être à sa place…
Le premier capitaine noir, c’est en fait lui
Né à Tzaneen, au nord-est du pays, le talonneur est identifié comme un joueur prometteur. Passé par le Pretoria Boys High School, il intègre l’équipe nationale au niveau scolaire. La suite va très vite. Capitaine des U19, il remporte le championnat du monde de sa catégorie, en 2005. Un an plus tard, toujours capitaine, il mène les Baby Boks jusqu’en finale du Mondial U21, perdue face à la France… Son nom est déjà sur toutes les lèvres des spécialistes du ballon ovale de la nation arc-en-ciel.
Sélectionneur des Springboks, Jake White fait évidemment partie de ces spécialistes. Et si Ralepelle n’a que dix minutes de Super Rugby dans les jambes (contre les Cheetahs et les Waratahs), il est appelé pour disputer le Tri Nations 2006, quelques semaines après le championnat du monde junior. Âgé de 19 ans, le joueur des Bulls fait ses grands débuts face aux All Blacks.
Mais le meilleur reste à venir. En novembre de la même année, Ralepelle est à nouveau convoqué pour la tournée d’automne des Boks. Resté sur le banc lors des deux premiers matchs, il entre à Twickenham face à l’Angleterre. Surtout, lors du dernier test, le Sud-Af’ est titularisé face à une sélection World XV. Si la rencontre n’est pas officielle, le talonneur devient ce jour-là le premier capitaine noir, et le plus jeune de l’histoire des Springboks.
Pas sacré en 2007, premier contrôle positif
Barré par Gary Botha chez les Bulls, Ralepelle n’arrive pourtant pas à lancer sa carrière sur le plan national. Pire, deux grosses blessures au genou font s’envoler ses espoirs de disputer la Coupe du monde, que remporteront les Boks… Le talonneur doit même attendre août 2008 pour rechausser les crampons, en Currie Cup.
De retour en équipe nationale, il s’impose dans la rotation derrière le duo Bismarck Du Plessis/John Smit, et débute même un des trois tests face aux Lions Britanniques, en 2009. Ses blessures derrière lui, son niveau retrouvé : on croit Ralepelle enfin lancé pour accomplir son destin. Mais en 2010, en pleine tournée européenne, un nouveau coup d’arrêt vient mettre sa carrière en suspens. En cause ? Un contrôle positif à un stimulant, la méthylhexanamine. Le joueur est renvoyé au pays. S’il se dit innocent, l’échantillon B vient confirmer le résultat du contrôle… La Fédération finira pourtant par blanchir son joueur, estimant que la méthylhexanamine avait été ingérée à son insu, dans un complément alimentaire. Un complément négatif en Afrique du sud, mais dont la composition change pour sa version britannique.
Passage compliqué au Stade Toulousain
L’histoire aurait pu s’arrêter là. S’il ne confirme jamais au niveau international, le n°2 des Bulls continue tout de même de faire son petit bout de chemin dans un squad de l’équipe nationale, où les “quotas” deviennent un vrai sujet de société. Sélectionné pour le Mondial 2011, Ralepelle y joue un rôle mineur avec un seul match face à la Namibie. Un symbole de son importance moindre chez les Boks. En 2013, quand il choisit de relever le défi du Stade Toulousain, personne ne pleure vraiment son départ.
Dans la Ville rose, l’ancien prodige dispute tout de même seize matchs (huit titularisations) toutes compétitions confondues. Mais une nouvelle grosse blessure au genou freine son ascension. Ligaments croisés, tu connais… Un mois plus tard, c’est la tuile. Lors d’un contrôle inopiné, Ralepelle est (encore) contrôlé positif à un stéroïde anabolisant, la drostanolone. Suspendu deux ans, son contrat chez le quadruple champion d’Europe est rompu.
Troisième contrôle positif de sa carrière
Un coup d’oeil dans le rétroviseur suffit pour s’en convaincre : la carrière de Ralepelle est un immense gâchis. S’il n’avait peut-être pas les épaules pour devenir l’un des meilleurs talonneurs de l’histoire, rester bloqué à 25 sélections relève de l’échec… Relancé chez les Sharks, le talonneur avait pourtant réussi un (énième) retour en force chez les Boks, à l’été 2018. Las, le sacre japonais des hommes de Rassie Erasmus s’est finalement fait sans lui.
En janvier 2019, on apprenait que le joueur était cette fois-ci testé positif à un autre anabolisant, le zeranol. La sanction a mis du temps à tomber, mais elle est (enfin) sévère : huit ans hors des terrains ! Sanction que n’accepte pas le joueur, qui refuse d’être “la victime d’un système corrompu qui détruit la vie des athlètes de couleur”, via un communiqué publié par SA Rugby Mag. “Je crois que les rugbymen noirs ne sont pas jugés au même niveau. Les inégalités racistes persistent dans le sport, et je continuerai à me battre pour que les futures générations n’aient pas à le faire.”
S’il a lancé des procédures pour contester sa suspension, Ralepelle ne peut (pour l’instant) plus fouler les terrains jusqu’au 27 janvier 2027. Il aura alors 40 ans.