42 appelés, 22 nouveaux. Tel est le choix de Galthié quant à la composition du groupe de la France pour affronter l’Australie. Une décision dont il est, certes, le seul décisionnaire, mais qui peut inquiéter au vu du faible nombre, voire de l’absence, de vétérans. Du haut de ses 27 sélections en Bleu, c’est l’ailier du Racing 92, Teddy Thomas, qui sera le plus capé. Il est suivi par Romain Taofifenua et Damian Penaud. Ces trois joueurs sont les seuls à posséder au moins une vingtaine de sélection dans la liste des appelés. Plus marquant encore, sur les trois talonneurs appelés, aucun n’a déjà joué sous le maillot frappé du coq. La mise en place, quelque peu forcée, de ces nouvelles têtes pourrait être un nouvel argument démontrant la qualité du vivier français à ce poste.
La presse australienne ne semble d’ailleurs pas prendre à la légère ce groupe. Selon le magazine The Australian, la France aurait même “un réservoir équivalent à celui des All Blacks”. Le journal de l'île-continent n’hésitant pas également à rappeler que “l’équipe C” qui avait été affichée durant l’Autumn Nations Cup avait fait plus que figurer. Au point d’échouer de peu face à une Angleterre en pleine possession de ses moyens et vainqueure du Six Nations quelques semaines avant.
Mais alors, si le faible nombre de sélections n’est pas toujours symptomatique du niveau affiché, l’on est en mesure de se demander s'il n’est pas révélateur d’une mauvaise organisation des fenêtres internationales du rugby français. Pour cela, passons en revue les différentes tournées du rugby français au cours de ces 20 dernières années afin de voir si cette vague de joueurs inexpérimentée est une première où si elle avait déjà atteint ce stade.
Les situations sont-elles comparables ?
Le rugby change, les joueurs aussi. Et plus particulièrement, le nombre de joueurs qui a tendance à évoluer ces dernières années. Depuis les différents accords LNR-FFR, la situation et la mise à disposition des internationaux a énormément évolué en l’espace de quelques saisons. En 2016, différentes listes de joueurs étaient établies. La liste “Elite” et “Développement” était mise en place à la suite d’une convention entre les deux pôles principaux du rugby français. Guy Novès était alors le premier sélectionneur à l’utiliser.
Avec ces différentes mesures, les listes se sont parfois rallongées, mais ont surtout connu un meilleur encadrement. Comparer simplement les chiffres semble alors peu pertinent. Il est plus correct de parler des proportions de nouveaux appelés. Ainsi ce groupe France parti en Australie compte 52% de novices. Il compte également 31% de joueurs possédant au moins 5 sélections, soit 13 joueurs.
Un phénomène récurrent ?
Ne faisons pas durer le suspens plus longtemps. Non, le groupe France qui affrontera l’Australie ne sera pas celui qui compte la plus grande proportion de novices. Depuis le début du XXIe siècle, il y a eu quatre tournées où le nombre de nouveaux appelés constituait au moins 40% du groupe. Celle qui présentait le plus de “joueurs d’expérience” de ces dernières est la plus récente, soit la tournée en Argentine à l’été 2016. À cette époque, Guy Novès avait composé une liste constituée de 43% de novices. La faute étant sûrement due à une Coupe du Monde 2015 et à un VI Nations 2016 loin d’être des plus glorieux. Sur la douzaine de non-capés, peu ont eu la chance de continuer sous le maillot bleu. Les sortants de cette tournée les plus connus ? Quelques Baptiste Serin et Kevin Gourdon effectuaient leurs premières caps durant ce voyage. Les autres n’auront pas le temps ou la possibilité de confirmer. Malgré tout, la France ne s’était pas défilée et remportait cette tournée face à des Pumas demi-finalistes de la Coupe du Monde 2015.
A la deuxième place des tournées mettant des nouvelles têtes au premier plan, on retrouve deux voyages à égalité. Deux épopées qui présentaient une proportion de 46% de novices. La première, la plus ancienne, est un déplacement en Amérique du Nord en 2004. En plus d’être composée de deux matchs que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, elle a permis à deux joueurs de ressortir du lot. Joueurs iconiques d’une ancienne génération bleue, Yannick Nyanga et Dimitri Szarzewski connaissaient leurs premières lueurs internationales ce jour-là. Résultat de la tournée : deux victoires sans grand suspens face aux USA et au Canada. Une aventure qui est bien loin d’avoir marqué les esprits des amateurs de rugby.
La tournée ex aequo avec cet exode nord-américain est celle des deux rencontres face à l’Australie en 2008. Une série de test-matchs qui est loin de s’être déroulée comme prévu. La France arrivait fort d’une coupe du monde en demi-teinte, mais où elle était tout de même parvenue à réaliser l’exploit de battre la Nouvelle-Zélande en quart de Coupe du Monde. L’Australie, elle, était éliminée en quart de la reine des compétitions internationales. Aucune raison de s’inquiéter du coup non ? Si. La France va prendre un score cumulé de 74 à 23 et va rentrer dans l’Hexagone la queue entre les jambes. Un déplacement qui aura au moins permis à Benjamin Kayser, Alexis Palisson et Maxime Mermoz de connaître leurs premières capes.
La voici enfin, LA tournée des candides du rugby mondial par excellence. La première place du classement, nous l'avons nommée : la tournée de 2007 en Nouvelle-Zélande. En effet, avec 54% de joueurs n’ayant jamais connu les rencontres internationales auparavant, elle surclasse définitivement les précédentes. Un voyage pour lequel la presse néo-zélandaise n’avait pas hésité à appeler les Bleus arrivés au pays “l’équipe C française”. Une dénomination qui n’avait pas plus à l’arrière du XV de France, Thomas Castaignède, qui en tant que vétéran du groupe avait répondu : “Sur le terrain, nous leur montrerons que nous méritons un peu plus de respect que celui qu'ils nous accordent.” Une déclaration pleine de courage, mais qui n’empêchera pas les Français de vivre l’une des plus grosses humiliations de leur histoire. Avec un score cumulé de 103 à 21 en faveur des Néo-zélandais, soit 14 essais à 2, certains cadres vivront une fin de carrière douloureuse. Une sortie par la petite porte pour Califano, Magne et Castaignède qui cumulait plus de 200 sélections à eux trois...
En clair, seule une tournée a offerte plus de places aux novices que celle qui se profile en Australie cet été. Cependant, la tournée néo-zélandaise de 2007 présentait bien plus de sélections cumulées que le groupe appelé récemment. Ceci malgré la différence de taille des deux groupes. Il semble donc que cette tournée soit bien l'une, si ce n'est la, des séries de test-matchs présentant le groupe le moins habitué au haut niveau international.