News

[ANALYSE] Comment l'Italie a posé des problèmes défensifs aux Bleus ?

Samedi, les Italiens se sont inclinés devant un XV de France au jeu époustouflant. Pourtant, ils ont mis en difficulté les Bleus

Boukercha Oussama 10/02/2021 à 20h00
Viarney, animateur de qualité.
Viarney, animateur de qualité.

Le Tournoi des 6 Nations 2021 change de tous ceux passés. Pourquoi ? Tout simplement parce que les cartes sont redistribuées depuis que Fabien Galthié et son staff sont arrivés aux commandes de Marcoussis. Ils ont réussi à changer un plan de jeu qui ne marchait que par à-coups et à rétablir un état d'esprit digne des plus grandes équipes. Ils se sont surtout basés sur une génération française talentueuse avec des doublons à chaque poste, à l'image de Matthieu Jalibert capable de concurrencer un Romain Ntamack.

Samedi, le Tournoi débutait avec un match face à l'Italie pour les hommes du capitaine Ollivon et tout ce qu'on doit retenir, c'est la victoire. Je tiens à préciser afin de devancer les "oui mais ils ont gagné". Certes, mais la suite n'est pas là pour pointer du doigt les manquements français, mais bien les améliorations possibles à ce sujet. On pourra également noter les limites du système défensif de Shaun Edwards, qui peuvent facilement se régler pour des joueurs de ce niveau. Analyse.

Percée de l'Italien Brex

En début de match, les Italiens tiennent le ballon face à une défense française qui n'est pas aussi agressive qu'à l'accoutumée. Brex, le 12, s'engouffre dans un intervalle à l'intérieur de Mohamed Haouas qui, précisons-le, a abattu plus de travail que n'importe qui encore une fois.

Durant tout le match, on a pu voir Antoine Dupont défendre dans la ligne et plus précisément dans le couloir des 15. Cela rajoute un joueur de plus pour la rush défense, mais enlève une surveillance dans le second rideau. Ici, Brex hérite d'un ballon et s'engouffre dans un intervalle assez important entre Baille et Haouas, le pilier toulousain étant en retard. On peut aussi voir que Haouas et Jalibert sont beaucoup trop proches. Tout est réuni pour créer un intervalle. Première sommation.

Ras des rucks

Le grand point faible des Bleus ce samedi a été le manque de constance au ras des rucks. On le voit dès la 15e minute avec cette séquence italienne bien animée par Varney, le demi de mêlée. Derrière un plaquage offensif, ce dernier va aller chercher le ras du ruck alors qu'une fois de plus, les Français s'entremêlent les pinceaux, et ne se redistribuent pas bien. Ici, il s'agit de Cretin avec Alldritt.

Jalibert, premier défenseur +1 après le garde, est obligé de se resserrer, tout comme Gabin Villière. Varney va chercher à consommer ce défenseur pour envoyer son numéro 8 Lamaro dans l'intervalle créé entre Jalibert et Villière, qui sera un peu court, mais qui s'accroche.

Mais c'est la suite qui est intéressante. Les Italiens n'ont pas joué à fond dans ce secteur de jeu. Il est difficile d'être réactif et de se mettre en mouvement rapidement pour continuer à faire vivre le ballon dans un petit secteur de jeu. Il est encore plus difficile d'assurer les passes une fois dans la défense. Heureusement pour nous.

Simple changement de sens

Varney, époustouflant animateur, a continué dans ce sens sur cette action. Ou plutôt, a changé de sens. Derrière une touche, les Italiens tapent zone 10. Les Français se replacent sur la largeur côté sens de jeu, logiquement. Mais le ballon est rapidement disponible pour l'Italien et ce point reviendra très souvent lors du match. 

Ruck 1

Varney décide de jouer dans le dos pour son 7, Meyer. Baille et Haouas se font aspirer par le joueur en leurre et Meyer s'engouffre dans l'intervalle créé par cette combinaison. Encore une fois, Haouas se replace très rapidement, mais les Italiens sont tout de même dans l'avancée. 

Ruck 2

Les Français doivent vite se replacer, mais sans disputer les rucks en mettant les mains, le ballon sort encore une fois très rapidement pour Varney. Il continuera de fixer le premier garde-ruck pour envoyer ses avants.

Ruck 3

Les Italiens ont enchaîné les bonnes séquences de jeu, mais sans jamais convertir cette possession en point. Face à des Irlandais, la sauce sera toute autre. Sur ce ruck, on peut voir le pilier italien jouer finement en retenant Mohamed Haouas pour l'empêcher d'être sur son poste de garde-ruck. Varney en profite.

Derrière, les bonnes courses des Italiens mettent dans l'avancée l'équipe. Heureusement pour nous, cette action n'a aucune incidence puisque les transmissions de balles n'ont pas été bonnes côté Transalpins.

Fracture Avants - 3/4

Après un ballon envoyé sur l'aile, les Italiens renversent et enchaînent 4 passes qui vont créer des intervalles grâce aux leurres. 

Les avants bleus montent fort sur la cellule, en surveillant les leurres et le joueur dos. Cretin semble monter légèrement plus fort pour couper sur le porteur de balle dos, ici l'ouvreur Garbisi. Mais il ne le fait pas assez franchement, lui laissant le temps de manœuvrer. 

Antoine Dupont se replace, mais le déséquilibre est déjà présent. Les Italiens obligent les Français à se resserrer. On peut encore une fois voir l'attitude de Mohamed Haouas qui est le seul Français à venir couvrir le dos de ses partenaires placés sur la largeur. Plusieurs fois dans le match, il deviendra second plaqueur ou même, comblera les trous crées.

Antoine Dupont est déjà sur les talons tandis que Gabin Villière est encore une fois très très proche des rucks, voire trop. Ne l'incriminez pas, essayez de jouer à l'aile en plein mois de février. Les Italiens trouvent encore une fois une brèche, mais le jeu s'arrêtera là. Trop peu de soutiens une fois la défense percée, ce qui aurait pu coûter plus cher aux Bleus. On le voit ci-dessous, avec aucun soutien extérieur du numéro 2 Lucas Bigi. 

Ce sera finalement Garbisi qui héritera du ballon relevé par Bigi, mais retour à la case départ puisque l'avancée n'a pas été pleinement fructifiée. On peut voir qu'avec d'autres courses rentrantes, l'Italie aurait pu encore plus profiter des intervalles. Mais les trois-quarts italiens ont beaucoup (trop) joué devant la défense. Comme si l'étonnement arrivait quand un coéquipier perce. 

"Tu as l'inté ?!"

Ici, deux cas de manquements à l'intérieur. Mais avant, revoyons le système Edwards. L'entraîneur de la défense demande à ses joueurs de monter fort et son épaule intérieure sur l'épaule extérieure de son vis-à-vis. Terminés les "glisse, glisse", place à la rush défense. Le but est de ramener le porteur de balle dans le trafic à l'intérieur, mais les repères changent (sauf pour les Bleus, bien habitué en club et en sélection à ce système). 

Le plus important est que le joueur extérieur assure la sécurité, pour ne pas se faire avoir sur un crochet extérieur. En défense glissée, c'est au joueur intérieur d'assurer si un crochet intérieur est fait. MAIS, une équipe qui défend en rush defense peut, et doit, s'adapter à l'attaque ! Si des surnombres sont présents sur les ailes, le capitaine de défense annoncera une défense glissée plutôt que "forte", un changement total des attitudes et de la communication. Ici, c'est le cas.

Le 14, Sperandio

Garbisi a plusieurs choix sur la largeur, mais décide de profiter d'un manquement défensif de Cretin. Encore une fois, ce n'est pas tellement un manquement puisqu'un Italien accroche le troisième ligne aile, qui ne peut pas glisser. Il semble lever le bras pour se fixer à son poste de garde-ruck, mais Cyril Baille ne se redistribue pas, pensant sûrement que Cretin allait logiquement glisser vu son poste de plaqueur/coureur. Rien de tout ça.

Garbisi revient sur Ollivon, le fixe, et envoie son ailier Sperandio dans l'intervalle. Brice Dulin, à l'arrière, doit vite réagir pour ne pas être pris sur les talons. Il doit également surveiller l'ailier Monty Ioane le long de l'aile. Mais le Racingman réagit très vite au choix de Garbisi.

Cette action aurait pu aboutir à un essai si le numéro 8 italien n'avait pas coupé la passe de son 9 pour Garbisi. Le ballon était encore sorti rapidement vu que les Bleus n'ont jamais mis les mains sur les rucks. N'oublions pas que pour que la défense (et surtout une défense comme celle des Bleus), puisse avoir le temps de se replacer, il faut mettre les mains sur les rucks et ralentir les sorties de balles. Les joueurs ont plus de chemin à parcourir en pas-chassés afin de se placer épaule extérieure de leur vis-à-vis. 

Le 11, Ioane

On peut voir un deuxième cas avec Monty Ioane qui s'engouffre à l'interieur, au ras d'un ruck. Ballon disponible rapidement. Après une longue séquence de jeu (19e phase italienne), on voit les Bleus se replacer trop lentement alors que Varney a les mains sur le ballon. Aucun garde-ruck grand côté et Charles Ollivon petit côté. 

Devinez qui revient encore au ras ? Mohamed Haouas et son match XXL. Le pilier de 26 ans se replace rapidement lorsqu'il voit qu'une brèche s'est créée. Cela permet à Charles Ollivon de se replacer également et rattraper Monty Ioane lancé dans l'intervalle.

Matthieu Jalibert vient couper le choix de Garbisi d'écarter la balle, l'obligeant à revenir sur ses avants. Mais c'est risqué lorsque les avants ne sont pas replacés. 

L'ailier Gabin Villière a répondu à notre question concernant ce secteur de jeu que nous n'avions pas vu auparavant chez les Bleus. Les journalistes de l'Irish Times l'ont également relevé :

Oui, quelques petites failles. Mais après tous les matchs il y a des secteurs à travailler, des choses à corriger. Aujourd'hui, ce sont des choses qu'on doit corriger cette semaine. On va tout faire pour les corriger et répondre dans ce domaine contre l'Irlande pour ne pas se faire avoir dans ces zones de bords de rucks, essayer de peut être un peu moins circuler. Être propre et surtout en ligne en défense, pour ne pas laisser d'espaces assez évidents aux adversaires comme on a pu le faire contre l'Italie. 

Bill Bély
Bill Bély
superbe article qui nous (me) rend intelligents et j'avoue que j'observerai plus attentivement ces phases de jeu (et Momo!)
pascalbulroland
pascalbulroland
Belle analyse ! Merci pour cet article très bien détaillé...vivement le prochain !
gilbertgilles
gilbertgilles
Ah beh ouais! Expliqué comme ça,tout devient clair, bravo pour cet article et les nombreuses photos qui éclairent le texte. Un régal !
Team Viscères
Team Viscères
Coeur sur toi Oussama pour cet article. Entre Clément qui m'offre un article épluchant les vainqueurs du Tournoi suivant le nombre de déplacements sur 20 ans et toi qui nous ponds ce long pavé de décryptage avec des palettes que n'aurait pas renié Philippe Doucet, c'est Noël au Rugbynistère!
etutabe
etutabe
du beau travail, clair et précis. Merci beaucoup
Derniers commentaires

Connectez pour consulter les derniers commentaires.