On coupe tout de suite court : il ne s’agit pas là de tirer à boulets rouges sur les ailiers tricolores, ni même d’enfoncer une porte ouverte. Teddy Thomas et Damian Penaud, les deux titulaires du poste lors des deux dernières sorties, ont des qualités offensives comme on trouve peu, très peu même, sur le vieux-continent. Capables l’un comme l’autre de faire sauter les rideaux défensifs les plus hermétiques, voire de réaliser des exploits dont ils ont le secret à tout moment, ce ne sont pas leurs statistiques en Bleu (15 essais en 26 sélections pour l’un, 8 en 21 capes pour l’autre) qui diront le contraire. Au vrai, c’est plutôt de leur défense dont on parle beaucoup en mal au niveau international, qui, plus encore qu’ailleurs, ne laisse aucun droit à l’erreur. À raison, à tort ? Disons que si Fabien Galthié tente bel et bien d’enfouir un peu tout ça sur l’autel de leurs qualités athlétiques, force est de constater que les deux finisseurs n’offrent pas toutes les garanties du monde sur l’aspect défensif. Chose que la rush défense adoptée depuis l’arrivée de Shaun Edwards met en plus en exergue, les ailiers étant « condamnés » à contrôler des espaces extérieurs rendus bien souvent assez larges par la proximité 10 - 12 - 13 lors des phases de dépossession. Pas facile.
C’est ainsi que vous avez probablement vu Damian Penaud quelquefois manoeuvrer devant la défense galloise dans son couloir samedi dernier, souvent avec hésitation puisqu’indécis face au dilemme que représentent le « couper fort derrière son 13 pour empêcher la transmission » et « rester finalement plus en profondeur afin de gérer au maximum en attendant le retour de Vakatawa ». Las, c’est toute la difficulté de ce système défensif, qui demande une coordination parfaite de toute la ligne de trois-quarts. Et Penaud - comme Thomas d’ailleurs - n’étant pas un grand spécialiste de la défense collective (ni individuelle…), cela ne lui facilite franchement pas la tâche. Dès lors, on comprend que beaucoup aient tremblé au moment où il devait contenir les surnombres gallois en bout de ligne, même si, il faut rendre à César ce qui est à César, tout s’est plutôt à chaque fois bien terminé pour les Bleus grâce à une détermination et une communication sans faille.
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Néanmoins, l’incertitude pesante qui siège au-dessus des ailes Bleues nous a laissé donné quelques sueurs froides depuis le début du Tournoi et pour ainsi dire, on ne fut pas totalement en désaccord avec lui lorsqu’un de nos confrères de la rédaction lança le sujet en début de semaine : « N’avez pas l’impression qu’hormis face à l’Italie, nos ailiers ont souffert la comparaison avec leurs vis-à-vis depuis le début de la compétition, au moins dans la dimension stratégique ? » En y réfléchissant bien, il est vrai que probablement, oui. Ne vous y trompez pas, en dehors éventuellement du prodige Louis Rees-Zammit, ni Penaud, ni Thomas, ni Villière n’ont quelque chose à envier à leurs homologues britanniques sur leurs qualités intrinsèques, qu’ils soient Josh Adams, Anthony Watson, James Lowe ou on ne sait qui d’autre. Mais sur le plan tactique, on eut le ressenti que les ailes adverses furent plus « safe », mieux organisées que les nôtres. Fabien Galthié eut-il le même ? Impossible à dire, toujours est-il que « tout le talent, tout le potentiel, toute la vitesse, tout le côté félin et la capacité à faire la différence ballon en mains » de Teddy Thomas dixit Fabien Galthié, n’ont pas suffit à lui conforter sa place dans le XV en vue de la « finale » du Tournoi, vendredi.
Afin de densifier les couloirs, de récompenser Arthur Vincent de son entrée remarquable la semaine passée et « d’équilibrer au maximum » cette équipe, c’est Gaël Fickou, capitaine de la défense, qui a été choisi pour débuter sur l’aile gauche face à l’Ecosse. « La mobilité, la disponibilité de Gaël nous ont conduits à faire ce choix, explique Galthié. Il nous fallait aussi densifier les couloirs face à des joueurs très athlétiques. » C’est d’ailleurs en ce sens que le duel musculeux entre Duhan van der Merwe (1,93m et 106 kg) et Damian Penaud (1m89 pour 95kg) pourrait s’avérer décisif à plus d’un titre sur le côté opposé. Hé quoi ? Après tout, même les meilleures nations ont des failles et au titre de leurs qualités offensives uniques, l’on peut comprendre le choix assumé du staff des Bleus d’aligner des garçons susceptibles de coûter autant de points qu’ils en rapportent. Finn Russell, titulaire en 10 côté visiteurs ce vendredi, en est l’exemple vivant…
Analyse visuelle
Cette action qui paraît anodine est en fait la seule où la rush défense à proprement parler nous coûta des points la semaine dernière. Ici, l'on voit que le premier rideau tricolore est parfaitement aligné (ligne rouge) dans un premier temps, tandis que Damian Penaud (encerclé), en tant que dernier défenseur, doit "verrouiller" l'extérieur en montant un poil plus vite que ses partenaires.
Problème, la supériorité numérique des Français est mise à mal par une seule passe galloise, celle-ci étant longue et très profonde. Là, les Bleus ne se sont pas adaptés à l'adversaire et les maillots rouges étant très présents dans le couloir des 15 mètres, le XV de France se retrouve vite en difficulté sur l'extérieur. Aussi, cette situation symbolise les limites de la rush défense : Penaud (encerclé) monte un peu plus vite qu'il n'aurait dû, et créé donc un déséquilibre par rapport à ses soutiens intérieurs. Ce qui relève l'une des principales failles de ce système défensif : le second rideau. Au vrai, la montée presque en pointe de l'ailier clermontois met en fait en exergue une zone de fracture en couverture et Tipuric (casque bleu), très adroit pour un flanker, dépose intelligemment un jeu au pied rasant et croisé dans le dos du premier rideau. Ce qui démarque son ailier Josh Adams dans la profondeur. Au terme de sa lutte avec Penaud et en suivant la ligne jaune imaginaire, le joueur des Cardiff Blues marquera le troisième essai gallois de la partie...
Ici, c'est plutôt la défense individuelle de Teddy Thomas qui peut être ciblée. S'il est probablement meilleur que Penaud collectivement, il est aussi souvent plus "léger" que lui dans le 1 contre 1 sans ballon. Sur cette action par exemple, le Racingman est renversé par Faletau dans une zone critique et l'équipe de France ne doit finalement son salut qu'au fait que le numéro 8 gallois s'embronche sur Antoine Dupont qui passait par là... Face à l'Ecosse et son numéro 11 surpuissant et ultra-athlétique (Duhan Van der Merwe), le staff tricolore a donc choisi la "sûreté" et le gabarit de Damian Penaud plutôt que T.T. Ça se tient...